On the road. D’un océan à l’autre…

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(suite) La dernière bordée de neige nous a convaincu de reprendre la route. Denise et moi traversons l’île de Montréal tôt le matin. La « gratteuse » est passée et la chaussée est sans danger. Pour atteindre rapidement la frontière avec les États-Unis, nous empruntons le pont Champlain qui traverse le fleuve Saint Laurent. Inauguré il y a seulement 10 ans (nous sommes en 1972), il est, avec ses 3,4 km, plus long que le Golden Bridge de Frisco mais reste impressionnant et essentiel pour l’accès à la rive droite et aux Cantons de l’Est.



- photo © Elisa Elena Jiménez Emán -

Nous longeons la rivière Richelieu pour aboutir au lac Champlain. Étroite étendue d’eau, longue de 200 km et orientée Nord Sud. Un petit bout seulement est du côté canadien. Nous nous retrouvons vite du côté américain. Les routes sont à nouveau larges et peu encombrées. Il est vrai qu’il n’y a guère de villes importantes dans cette direction et que nous sommes hors saison touristique. Nous passons par Burlington, laissant les forêts du Vermont sur notre gauche. Le plus haut sommet dépasse à peine 1300 mètres d’altitude. Chez nous, on appelle ça une montagne à vache. Arrêt à Troy. Mon amie a quelques soucis et nous partons à la recherche d’une clinique médicale. Rien de sérieux. Le montant de la visite me fait comprendre que je suis bien dans un pays dont le système de santé n’a rien à voir avec celui des pays européens... 

Nous obliquons à nouveau vers l’Est pour nous rendre à Boston, berceau de la guerre d’indépendance américaine. Les Bee Gees se chuchotent : « Feel I’m back to Massachusetts. » Nous nous retrouvons sans trop savoir comment sur le quai du port. De l’autre côté, the Boston Logan international airport est « busy busy »… une vraie ruche, en plus bruyant. Nous laissons notre moto et son harnachement dans un parking, pour parcourir à pied le « Freedom trail » qui permet de découvrir les principaux édifices et musées, tous liés à l’histoire mouvementée de la ville.   

Passés Providence, capitale d’un des plus petits États fédéraux, Rhode island, nous découvrons la côte Est, certes moins sauvage que la côte ouest mais disposant de nombreux espaces protégés et publics. Le soleil éclaire généreusement le paysage. Nous venons de réaliser que depuis Los Angeles jusqu’ici, nous avons été « d’un océan à l’autre » soit, à minima 4 000 km. C’est aussi la devise du Canada… Arrêt à New Haven pour déguster une glace près du port. Chez un Baskin-Robbins, une des enseignes les plus anciennes, avec plusieurs milliers de franchises dans le pays. Connue aussi pour ses multi-parfums disponibles. « Jam and Peanut butter » et « Bubblegum rose » sont sur la liste mais nous ne les osons pas. 

Nous arrivons tardivement chez des parents de mon amie. Le quartier, au nord de l’agglomération de Westport, est très résidentiel, notre moto et notre allure, détonnent un peu. Mais l’accueil est chaleureux. Le père de famille nous invite même, lorsque nous serons à New York City, à utiliser son bureau en plein cœur de Manhattan pour y passer la nuit, à condition que nous libérions le lieu pendant les heures de travail. On nous attribue la chambre de la fille qui est à l’université. Elle est vaste, lumineuse, sobrement meublée. Je remarque la petite bibliothèque bien rangée où je trouve des biographies de juifs connus, musiciens, financiers, artistes. Sur sa table de chevet, un ouvrage sur Henry Kissinger, personnage politique républicain en pleine ascension. Il est déjà dans les arcanes du Pouvoir.

Toujours à Westport, mes amis marseillais Maurice Brunel, sa femme Brigitte et leurs deux fillettes, nous attendent. Je les avais rencontré l’année précédente dans le Yucatan sur le quai d’embarquement pour Isla de Mujeres. Nous avions échangé nos adresses et ils m’avaient invité chez eux, à Santa Monica. Maurice, ingénieur, avait ensuite été muté à New York. Comme beaucoup, il préférait vivre à l’écart de la Grande Pomme où il se rendait régulièrement avec le train. Un trajet agréable qui le conduisait en longeant la côte, au Grand Central terminal, gare monumentale en plein centre de la ville. Sans doute la plus grande au monde avant que les Chinois ne s’y mettent... 

La spacieuse maison que louent nos amis est à deux cent mètres de la plage, sauvage à souhait. L’océan est calme, abrité des tempêtes par Long Island qui se trouve juste en face, à une dizaine de miles. Premier bain depuis l’été dernier, dans l’Atlantique cette fois. L’eau n’est pas plus chaude qu’à Santa Barbara ou dans la baie de Monterrey, c’est à dire qu’elle est froide… L’offre d’utiliser la machine à laver et la sécheuse est apprécié car, jusqu’à présent nous allions dans les laveries automatiques. Une bonne occasion de rencontrer des habitants de cette Amérique profonde, blanche, rurale et plutôt conservatrice. Notre plaque d’immatriculation de Californie a toujours beaucoup de succès et mon accent français aussi… 

Et puis, il y a ces arrêts réguliers et fortement appréciés lorsque le froid, le vent, la pluie où la neige engourdissent nos doigts pourtant gantés. Nous nous réfugions alors, le temps de siroter un breuvage chaud, dans un de ces « coffee shop » qui font ma joie. Les serveuses en tablier prennent votre commande. J’aime leur familiarité de bon aloi et leur regard qui vous détaille : « Vous êtes qui vous ? D’où venez-vous ? » Dès le petit déjeuner - œufs au plat, toasts beurrés ou pancakes et café - les habitués y passent de nombreuses heures. La serveuse passe remplir leur tasse de café avec une ponctualité de métronome. Il vaut mieux arriver lorsque le café filtre vient d’être fait, car, dans l’attente d’un autre client, il chauffe en permanence, devient plus amer et perd de son intérêt gustatif. Il n’est pas rare de voir des clients lisant interminablement le journal, parfois jouant aux cartes, la casquette rivée sur leur tête. Dans certains de ces coffee shop, subsistent quelques jukes-box des années 50/60. Chaque table en a alors un et, pour 20 cents, on cherche le microsillon de ses airs favoris. Quant à la liste des titres proposés, elle fait le plus souvent référence à la country music et au rock...

Il est temps pour moi de découvrir cette ville qui fut un temps, la capitale financière du monde. Le petit train qui nous y conduit est une bonne entrée en matière. De Westport, nous débarquons une heure plus tard, dans la spectaculaire Gare centrale. Une carte dans la main, nous marchons vers le Rockefeller Center dans le 5e avenue pour aboutir à Central Park, poumon vert de la ville. Nous n’y sommes pas seuls. Des joggeurs par centaines, autant de cyclistes, des cavaliers aussi sur une piste dédiée et des canards dans les points d’eau. 

Nous passons la nuit dans le bureau gentiment proposé par le parent de mon amie. Demain nous avons au programme, la visite du Lincoln Center, le Muséum of Modern Art. Ensuite nous prendrons le métro pour nous rendre à China Town, apercevoir les Twin Towers et flâner à l’extrême pointe de Manhattan jeter un œil à la très francophile Statue de la Liberté. En attendant, nous montons sur le toit/terrasse du modeste gratte-ciel où se situe le bureau pour découvrir un paysage de legos géants… D’impressionnantes statues de Cariatides s’y sont installées et dirigent nos regards vers les plus hautes cimes qui nous entourent et vers l’Est River aussi. 

(à suivre… vente de la Yamaha, conclusion… perspectives)


- Westport, Connecticut, the Brunel's house -


- Westport, voisins, voisines -


- Manhattan, toit/terrasse -


- Central Park -


 - the Twin Towers -


- boycott...


- Hare Krishna mania...