Valbonne Sophia-Antipolis. L’histoire de la mairie-église de Garbejaire…

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À l’initiative de la nouvelle majorité municipale, Pierre Fauroux est récemment venu parler de la réalisation improbable de cet édifice dans le lieu même de son exploit. En effet qui pouvait imaginer un tel « côte à côte » entre le profane et le religieux, le pouvoir public et celui des représentants autoproclamés de Dieu sur Terre. Si localement le bâtiment n’a pas été compris, sa conception et sa réalisation ont séduit au plan national et international. Ainsi les plans et maquettes ont été exposés au Centre Pompidou, et à la Biennale de Venise, ainsi à l’Abbaye du Thoronet... De nombreux professionnels français et étrangers le considèrent comme une référence. Rappelons au passage que la Mairie-église est un bâtiment classé au Patrimoine architectural du XXe siècle.



- la maquette original exposée -


La conférence retraçait les différentes étapes de sa réalisation, du concours, de la commande publique aux péripéties qui se succédèrent jusqu’à son achèvement. Pierre Fauroux est alors un jeune quadragénaire, déterminé et ambitieux. Dans son projet et avec l’aide de l’architecte tessinois, Bruno Keller, il ne craint pas de faire preuve d’audace, voire de témérité… Et en effet quoi de plus téméraire que de grouper dans un même bâtiment une mairie et une église ? On peut jurer que dans le contexte actuel, l’entreprise eut été jugée trop provocante… 

Nous sommes en 1984 lorsque le projet passe de la table de dessin de l’architecte au début de la réalisation. Un chantier de six mois sous haute tension, car les contraintes notamment d’espace étaient nombreuses. S’ensuivent des moments de doutes et d’euphorie, ponctués par les rapports en dents de scie avec les maires successifs de Valbonne et le clergé départemental.

Il faut savoir que, comme le rappelait Thierry Grillet, directeur de la diffusion culturelle de la BNF, la commande publique « est un Art périlleux. La crainte de ne pas être compris, d’êtres trahis ou déformés par les uns, celle d’être constamment contrôlés, voire empêchés par les autres, définissent des rapports compliqués et souvent passionnels qui sont à l’origine de la commande et de ceux qui l’exécutent. » Cette fois-ci encore Pierre dut en passer par là et vivre avec intensité les aléas techniques inhérents à l’entreprise et des rapports humains souvent exaltants avec une équipe dédiée, parfois conflictuels avec les élus et le clergé, mais toujours stimulants… 



- Un cylindre s'insère dans une boîte, en façade deux colonnes portent le volume de la mairie,
au dessus, le cylindre abrite l'église,


Pour la petite histoire on retiendra que le maire à l’origine du concours était Gustave Giraud UDF, épaulé par un prêtre ouvrier donc de gauche. Il fit confiance à Pierre Fauroux pour mener à bien le projet. Une sorte de Don Camillo qui se joue à l’envers… Son successeur et opposant, Michel Roland pris, dans un premier temps, un malin plaisir à critiquer le travail de l’architecte, de même les curés fondamentalistes. Pierre Fauroux dut ensuite se défendre bec et ongles contre un projet porté par Marc Daunis (lire ici l’article) qui aurait apporté des modifications irréversibles. Quant au maire suivant, Christophe Eloré, il se fit remarquer par sa non-implication sur ce dossier… 

Sur la Côte d’Azur, il est de bon ton de critiquer le béton comme si c’était lui le grand responsable d’un décor malmené, voire saccagé depuis l’après guerre alors que ce sont les promoteurs et les architectes qui sont en cause. Au vu de ces immeubles sans aucun intérêt architectural, sans âme, on peut regretter qu’il n’y ait pas eu davantage d’architectes comme Pierre Fauroux pour donner vie au béton. Sa mairie/église est un bel exemple de ce qui fait sa singularité et son génie. Le béton brut de décoffrage et la lumière naturelle y jouent un rôle central. Les rayons semblent transpercer les murs, casser les codes ; dans l’église la lumière vient du ciel… évidement. Cela n’a pourtant pas ému un clergé, majoritairement fondamentaliste qui n’a jamais voulu s’approprier le lieu pourtant magique.

La municipalité actuelle de Joseph Cesaro élue à la surprise générale paraît, elle, avoir pris conscience de l’intérêt de ce patrimoine inestimable, localement sous évalué et sous-utilisé. Elle se donne le temps de la réflexion mais envisage de lui redonner vie d’une façon ou d’une autre. Une nouvelle vocation tournée vers le culturel se dessine, les espaces libérés se prêtant particulièrement bien à l’organisation d’expositions d’envergure. La balle est désormais dans son camp.



- l'église, baignée d'une lumière dorée, grâce à son fronton en marbre translucide -