Hommage à la vieillesse…

Crédits:
textes par
Catégorie Les paradoxales

Vieux, nous le seront tous un jour, quand ce n’est pas déjà le cas. Jocelyne Mas rend hommage à ces parents et à ses grands parents et nous donne mine de rien, une leçon de vie. C’est que, savoir vieillir, n’est pas une mince affaire !



- Virginia et Charles-Antoine Bertrand,
grands-parents de Jocelyne Mas, dessin Sabine Biazot -


« Je précise que pour moi, ce terme n'est pas péjoratif mais affectif. Quand j’avais sept ans, toutes les personnes dépassant la trentaine étaient des vieux. Il y avait aussi les très vieux, les grands-parents et toute personne arborant des cheveux blancs. Des personnes âgées, devrais-je dire ; ma mère me l’a assez répété.

Mais j’aimais beaucoup mes vieux à moi. Mon grand-père, avec sa belle chevelure blanche, ses yeux bleus et son sourire plein de bonté. Je grimpais sur ses genoux et il me racontait d’étranges histoires qui faisaient peur ; c’est si bon d’avoir peur quand on est bien blottie entre des bras qui vous serrent, qui vous protègent. Ma grand-mère, elle, m’apprenait à coudre, avec beaucoup de patience car je n’étais guère douée, ou à tricoter, me félicitant sur mes rangs au point mousse tout de travers. Elle me racontait des histoires de son pays là-bas en Italie, où la terre est sèche et rude où pousse un raisin noir et juteux, où les gens sont volubiles et croyants. Mes chers grands-parents savaient tant de choses, sur la vie, les animaux, les plantes.

Quand on arrive à l’adolescence, alors, les vieux nous horripilent ; ils ont toujours raison, ils savent tout, ils sont toujours à nous faire la leçon. Leurs phrases débutent toujours par : « De mon temps ». Que c’est énervant ! Puis, on devient adulte et on a un peu plus d’indulgence envers ceux qui nous ont précédés dans la vie. Plus on s’avance en âge, plus on regarde autour de soi. Sur le trottoir arrive en face de moi un couple de personnes âgées. Subitement je me dis : « Voilà ! c’est mon mari et moi dans quelques années, si on est toujours de ce monde ! » 

Il y a deux sortes de vieux : des petits vieux aimables, sourire aux lèvres, toujours un mot pour plaisanter, bien propres et bien coiffés. Des personnes âgées qui rayonnent toujours aimables souriantes, qui vous font des compliments qui s'intéressent à votre vie et puis, il y a les autres : pantalons tachés, un air dur et revêche sur le visage, acariâtres et toujours pressés. Ils ne sont jamais contents et parce qu’ils sont âgés, ils pensent que tout leur est dû. Ils sont aigris et c’est le pire qui puisse leur arriver.

Il y a aussi, ceux qui marchent péniblement, s’appuyant sur une canne ; ceux qui sont trop fatigués pour sortir et qui restent chez eux ; il y a ceux qui sont malades et amoindris dans les hôpitaux, ceux qui souffrent dans leur chair, et ceux qu’on oublie dans les maisons de retraite ou qui souffrent de solitude.

Peu de gens savent être vieux. Ils ont pourtant en eux la richesse, le savoir, l’expérience, l’indulgence. Ils ne demandent qu’à partager tout ce qui a fait leur vie, qu’à prodiguer des conseils pour nous éviter de faire les mêmes erreurs qu’eux. Nous, plus jeunes, nous sommes impatients, nous avons mille choses à faire, nous n’avons pas le temps. Le temps, voilà ce qui nous manque le plus ; mais le temps est un luxe que l’on ne peut pas s’acheter. Il faut savoir donner des priorités aux choses. 

Et puis, lorsqu’on vieillit, l’approche de la mort nous panique, ces angoisses se manifestent par un désir de protection. On demande plus de présence, plus d’attentions, plus de soins sans s’apercevoir qu’on irrite notre entourage. Nos enfants sont jeunes, ils ont leur vie, leurs soucis et pas beaucoup de temps à nous consacrer. Il faut savoir être fataliste et prendre la vie comme elle vient. Le voyage de l’ultime arrive pour chacun d’entre nous, inutile de gâcher nos journées avec des pensées tristes. Regardons le jour se lever : comme la journée va être belle. Le soleil brille, le ciel est bleu ! Profitons de la vie ! »