Le temps d’apprendre, il est déjà trop tard…

Catégorie Les paradoxales

Alors que Marcel Proust est toujours à la Recherche du temps perdu, Louis Aragon avoue son impuissance face au compte à rebours de l’existence. C’est le constat glaçant – je confirme - de ceux qui accumulent les expériences de la vie, joie et tristesse comprises. Le Temps, le temps et rien d’autre, observait Aznavour qui n’avait pas vu le Temps passer tandis que Jacques Brel égrainait, lui sa Valse à mille temps… Pour Léo Ferre, Avec le Temps tout s’en va… bonjour les dégâts !


En toute modestie, Guy Bezzina nous livre quelques réflexions sur la météo du cœur mais pas que : 

  • Le temps est un capital qui s’épuise sans bruit. Un jour viendra où nous n’aurons plus de temps.
  • Notre erreur est de nous croire éternels et d’imaginer que le temps est inépuisable.
  • Alors, nous perdons notre temps dans l’ennui, les regrets. 
  • Nous gaspillons le temps à des œuvres futiles ou négatives.
  • Nous nous évertuons à être objets du regard des autres, de la comparaison avec d’autres.
  • Nous nous érigeons en référence de l’intelligence, de la vertu et du bon goût et s’il advient que nous soyons mis en cause alors nous continuons à perdre notre temps dans l’amertume, la colère, le désir de vengeance.
  • Que de temps perdu à oublier la chance infinie que nous avons d’être le sujet de notre vie, de choisir ce qui nous grandit, nous cultive, nous émeut. Que de temps gaspillé à nous complaire dans la jouissance morbide du spectacle des turpitudes du monde, à lire des condensés de rencoeur, à regarder des fictions ou des réalités de violence et de mort.
  • Que de richesses dans notre esprit, dans nos souvenirs, notre expérience, notre entourage qui seront perdues et qui ne demandent qu’à être léguées dans une écriture qui continuera notre mémoire auprès de nos enfants !
  • Pourtant le monde est rempli de merveilles inconnues de nous, les bibliothèques croulent sous les livres admirables que nous n’aurons jamais le temps de lire, et, à portée de notre regard et de notre cœur, vivent des êtres chers qui ne demandent qu’à être accompagnés et aimés ou des inconnus qui peuvent nous étonner par leurs richesses cachées.
  • Un jour, c’est certain, il sera trop tard.
  • Peut-être nous dirons-nous « Le temps de ma vie était trop court et j’en ai trop perdu en occupations dérisoires »…

Aptitude au bonheur

  • L’utopie de l’égalité fait l’objet de débats récurrents et inutiles. La vie est inégalitaire. La ligne de départ de chacun est toujours située avant ou après d’autres lignes et cette différence est toujours corrigée par la vitesse et l’ardeur de ceux qui ont l’ambition de rattraper leur retard.
  • Pourtant, les plus grandes inégalités ne se situent pas dans la naissance, la fortune, l’éducation…
  • C’est dans l’aptitude au bonheur que nos différences sont les plus grandes, les plus injustes parfois.
  • On associe généralement le bonheur à la réussite, à la fortune, au pouvoir, à la célébrité… dans une fausse équation qui ferait dépendre notre équilibre intérieur et l’harmonie de notre vie, d’éléments aléatoires et superficiels qui ne constituent à la vérité que des leurres artificiels et éphémères.
  • Si nous pouvions établir une échelle du bonheur, nous serions surpris de découvrir un palmarès d’où seraient absents les riches et les puissants.
  • L’aptitude au bonheur est-elle pour autant offerte à chacun de façon égalitaire ?
  • Il faut bien reconnaître que non. De grands malheurs, des handicaps, une pauvreté extrême, la solitude détruisent ou altèrent la capacité à vivre dans la sérénité.
  • Mais même à situations comparables, nous ne réagissons pas de la même façon aux aléas de la vie. Il semble que chacun soit doté d’une aptitude au bonheur qui lui soit très personnel.
  • Don inné ou vertu acquise ? Sans doute un peu des deux. Pourtant, une assez longue expérience de la vie a fini par me persuader qu’on finit par aimer ce vers quoi l’on rame ; que le bonheur se cherche et se mérite ; qu’un regard objectif capable de relativiser les situations et les faits épargne bien des désespoirs inutiles.
  • J’ai perdu souvent mon temps et mon énergie à m’émouvoir avec excès de situations qui se sont finalement révélées insignifiantes… Mais peut-être fallait-il que je vive assez longtemps pour m’en apercevoir ?
  • Je vous souhaite ( égoïstement ) d’être heureux car je sais que le bonheur est contagieux et j’attends des autres quelques retours sur investissement.

Art de la manière

  • Dans un précédent échange, nous discutions sur la liberté de tout dire dans les forums bien sur, mais aussi dans les relations personnelles et dans la vie de tous les jours.
  • A la vérité, si tout ne peut pas être dit, certaines choses doivent être dites parce qu’elles s’imposent pour la clarté dans les relations humaines. Souvent ce qui blesse n’est pas le contenu de notre expression mais bien davantage sa forme.
  • La forme trahit souvent nos dispositions intimes et quand une vérité n’est pas agréable à entendre, elle devient plus difficile à supporter lorsque la colère, le mépris, le jugement, la haine parfois se lisent dans les phrases qui la portent.
  • Car nos mots peuvent être lourds de sens, mais encore plus lourds des humeurs et des sentiments de celui qui les prononce.
  • « Je suis homme et rien de ce qui est humain, ne m’est étranger » écrivait Térence. La forme, le style, la manière traduisent toujours cette part de l’humain, ces sentiments qui élèvent ou plombent le contenu de nos pensées.
  • Le style dit ce que les mots ne disent pas : les mots disent nos pensées, le style dit nos arrières pensées et en révélant toute la subjectivité de celui qui dit ou écrit.
  • A écouter les discours politiques, on constate souvent une indigence de neurones et une surabondance d’hormones… Mais l’expression doit-elle n’être qu’une affaire de neurones ?
  • La poésie sans l’émotion, le désir, la colère, l’amour serait aussi romantique qu’un formulaire du Ministère des Finances.
  • Alors où est le juste milieu, « l’humain » dont parle Térence ?
  • Dans l’élégance, peut-être ?

 Guy Bezzina