Notaires et avocats sur le même bateau…

La loi du 6 août 2015, dite « loi Croissance » ou « loi Macron », permet que des professionnels du droit et du chiffre créent ensemble des structures d’exercices communes. Maître Bastien Brignon, en synthétise les avantages :


La loi du 6 août 2015 a surtout permis que des professionnels du droit se rapprochent, au premier rang desquels les notaires et les avocats. Cette nouveauté spectaculaire est à l’heure actuelle sous-exploitée. Si les notaires et les avocats travaillent quotidiennement main dans la main, trop peu sont les études et les cabinets ayant mis en place des structurations communes.

Pourtant, les possibilités sont immenses. Qu’on en juge. Ainsi, par exemple, notaires et avocats procéder à des participations croisées : l’étude de notaire prend une participation dans le cabinet d’avocat, le cabinet d’avocat prend une participation dans l’étude de notaire. Ce schéma de sleeping partner présente l’avantage de permettre, dans le strict respect des deux déontologies, d’une part, le partage de dossiers (sous réserve de l’accord des clients), d’autre part, le partage en très bonne intelligence des honoraires issus desdits dossiers. Surtout, ce schéma ne bouscule pas l’exercice professionnel puisque les sociétés restent mono-professionnelles : l’étude de notaire n’a pour objet que l’exercice de la profession de notaire, le cabinet d’avocat n’a pour objet que l’exercice de la profession d’avocat. Mieux, cela permet d’offrir au client un vrai full service.

Au demeurant, les participations peuvent ne pas être croisées, être seulement unilatérales : seule l’étude de notaire prend une participation dans le cabinet d’avocat ou seul le cabinet d’avocat prend une participation dans l’étude de notaires. Toutefois, pour une réelle synergie commune, les participations croisées sont recommandées.

Comment ces participations peuvent-elles être mises en place ? Soit par l’intermédiaire de holding, au moyen des SPFPL, soit directement avec les structures d’exercice elles-mêmes : la SAS d’avocats devient associée dormant dans la SAS de notaires et inversement. Mais il y a plus : notaires et avocats peuvent constituer une SPE, c’est-à-dire une société pluri-professionnelle d’exercice, dont la forme sociale devra être déterminée (SARL ou SAS par exemple). 

L’avantage de cette société est qu’elle présente un double objet social : elle exerce la profession de notaire et en tant que telle est titulaire d’un ou plusieurs offices notariaux ; elle exerce également la profession d’avocat et en tant que telle est inscrite à au moins un barreau, sinon plus. Un autre superbe avantage et non des moindres : le client bénéfice d’un full service encore plus et mieux intégré que le précédent.

Ces schémas n’ont pas encore été trop mis en place, sauf par certains groupes, sans doute car les possibilités et les avantages de pareilles structurations sont sous-estimés. Pourtant elles sont vertigineuses.

Il faut en effet rappeler que les avocats ont vu ces dernières années leur champ de compétence s’accroître de manière exponentielle : mandat en transaction immobilière (les notaires ont également cette possibilité), mandat sportif, fiducie, et puis, pour les dernières évolutions, activités commerciales dérogatoires par accessoire. Il est clair que les notaires peuvent avoir besoin de la compétence des avocats et de leurs possibilités d’intervention sur tous ces sujets. De la même manière, les notaires ont obtenu la possibilité, via l’ingénierie sociétaire, d’être titulaires de plusieurs offices, ce qui peut leur offrir un maillage territorial d’exception, et ouvrir ainsi aux avocats des champs d’intervention – ratione loci et rationemateriea – sans limite.

On rappellera également que si les notaires n’exercent qu’à une seule résidence, et que les avocats appartiennent nécessairement à au moins un barreau, ces deux professionnels ont une compétence au moins nationale, qui s’étend aux collectivités d’outre-mer. Surtout, les avocats ont obtenu il y a peu la possibilité de cumuler plusieurs exercices professionnels : un avocat peut ainsi être associé exerçant dans un cabinet à Marseille et être également exerçant dans un cabinet à Paris. Imaginons une étude de notaires, historiquement implantée à Marseille, qui posséderait également un office à Paris, associé à un cabinet d’avocats qui appartiendrait à ces deux barreaux voire à d’autres : le service offert aux clients serait parfait ! Et encore, on se limite à ces exemples au territoire national et même au territoire métropolitain. Or, il est tout de même important de rappeler le caractère fondamental des territoires ultra-marins, ainsi que toute l’étendue de l’UE, l’EEE et la Suisse. Les structurations envisagées par la loi Croissance concernent en effet toute l’UE, tout l’EEE ainsi que la Confédération Helvétique.

 On le voit, les possibilités sont vertigineuses, géographiquement, matériellement. Elles ne demandent qu’à éclore. Les professionnels concernés doivent s’en saisir de toute urgence. On notera ici la vision avant-gardiste par exemple du Groupe CLARELIS [sis à Cannes] qui en à peine quelques années d’existence a d’ores et déjà mis en place tout un groupe composé d’une étude de notaires et d’un cabinet d’avocats avec un département entièrement dédié à ces questions.



Bastien Brigon
Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence