Dans les arcanes de la haute administration française…

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Catégorie Pieds dans le plat

Le journaliste d’investigation Vincent Jauvert n’en est pas à son coup d’essai. « La mafia d’État », récemment publié fait suite à La face cachée du Quai d’Orsay (2016) aux Intouchables d’État (2018) et aux Les Voraces (2020), prix Anticor.



Cette visite détaillée des coulisses du pouvoir est on ne peut plus instructive. C’est là que les politiques gouvernementales sont mises en application. Cette élite qui se coopte, truste ainsi les postes les plus importants et les plus.. rémunérateurs. Ces membres semblent tous issus d’une même caste tout droite sortie de l’ENA et de Science Po. C’est à la fois logique lorsqu'il s'agit de leur présence dans les ministères et l'administration, un rien dérangeant lorsqu'ils occupent des postes importants dans le secteur économique et politique, sans parler de leurs allers-retours entre ces trois secteurs. La boucle est bouclée. Ce sont eux en fait qui font marcher la boutique ! Un système qui d’après Vincent Jauvert serait unique au monde.

L’auteur ne craint pas d’appeler un chat un chat et cite nommément les acteurs de ce qui ressemble à une incessante chaise musicale. Tant et si bien qu’on se demande s’il ne s'agit pas de la partie émergée de l’iceberg. Un État dans l’État ? Une sorte de mafia ? C’est la question à laquelle s’efforce de répondre le journaliste en apportant des preuves... sonnantes et trébuchantes. Les salaires tournent souvent autour de 30 000 € par mois, ce qui explique sans doute ce goût pour les hautes fonctions, d’autant, qu’une fois entré dans le sérail, c’est pour la vie ! 

Les perspectives de faire carrière sont alléchantes car les salaires explosent notamment lorsqu’on passe de la fonction publique au privé. Triplement des émoluments, retraites chapeaux, stock options, pantouflages, jetons de présence dans des Conseils d’administration taillés sur mesure et dont la justification est souvent improbable… Une liste qui semble indéfiniment longue et des revenus qui font rêver les smicards mais pas que. Une liste constituée depuis les débuts de la Vème République et aussi longue que celle de ces grands commis plus préoccupés, selon l’enquêteur, par l'argent et le pouvoir que par l'intérêt général. Il en livre une quarantaine à notre curiosité. Il y en a tant d’autres.

Le journalisme d’investigation ? S’il n’existait pas il faudrait l’inventer. Sans lui, des sujets brûlants autant que dérangeants eut été passés sous silence. A commencer par l’Affaire Ben Barka en 1960, suivie par des centaines d’autres. Merci aux Pierre Péan, Denis Robin, Jean Moraldo, et autres Élise Lucet qui reprennent parfois des situations mises en évidence par des lanceurs d’alerte, Edward Snowden étant le plus connu… Jeffrey Wigand a, lui, toute notre admiration pour avoir risquer gros en dénonçant les méfaits du tabac sur la santé, effets parfaitement connus et longtemps tus par les géants de cette industrie meurtrière.

Reste d’autres questions sans réponse : quel est, objectivement, le bilan individuel et collectif de cette caste ? L’argent est-il son seul mobile ? Les autres systèmes alternatifs fonctionnent-ils mieux, chez nos partenaires européens par exemple ?