La Nature et nous...

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« L’avenir n’est plus ce qu’il était. » (Paul Valery)



- Fernand Dartigues, 1966, Cannes -


Comment se figurer ce qu’était le monde avant que n’apparaisse  cette étrange créature qui devait apprendre lentement à se tenir debout, qui disputait sa vie aux autres animaux et qui allait dans un bref espace de temps (quelque centaines de siècles, tout au plus), prendre sur la planète la place que l’on sait ? La Nature alors se trouvait dans toute sa splendeur et son horreur originelles.

Parce qu’il y avait en lui une sorte de substance grise appelée cervelle et capable engendrer une faculté mystérieuse que l’on nomme « intelligence », parce qu’enfin, il était fait de sorte à exercer un pouvoir sur les êtres et les choses, l’homme s’ingénia à transformer l’univers qui était le sien ; nous en sommes aujourd’hui au point de nous demander s’il faut s’en féliciter vraiment.

Le voici maintenant triomphant, orgueilleux ; tout à la fois imbu de son œuvre et désemparé par ses propres résultats. Cette planète qu’il a conquise, qu’il a envahie et défigurée, il sent confusément qu’il n’en est pas le maître. Il s’aperçoit aussi que sa formidable réussite n’a rien résolu et qu’à travers toutes ses victoires sur la matière, il est loin d’avoir fait son bonheur.

Son énorme puissance, ne lui a même pas permis de former un humanité paisible et confiante, avec des peuples composés d’êtres lucide, cultivés, d’un niveau mental et moral élevé. Sur toute la surface du globe, les hommes se haïssent, s’affrontent, se trahissent. Il n’est pas une nation dont on puisse dire que ses citoyens y vivent en harmonie.

Quant à la Nature, et bien, sa domination par lui, est toute relative. Il se doute qu’elle est encore capable de lui réserver des surprises. Elle se soucie peu de ses explications, de ses recherches, de ses découvertes scientifiques. Elle appartient au cosmos, elle est universelle bien plus qu’humaine, et l’on peut parier qu’elle subsistera bien longtemps après que l’homme aura disparu.

L’humilité conviendrait mieux, il me semble. Le destin de l’être humain est encore et toujours, celui d’un animal qui naît, qui vit peu de temps et qui meurt. Tant qu’il en sera ainsi, il n’y aura pas de quoi crier victoire. Le moment est peut-être venu de montrer à l’égard de la Nature plus de respect que nous n’en avons eu jusqu’ici. Notre effort devrait porter sur un accord plus profond avec elle, plutôt que de superficielles conquêtes !


NDLR : ce texte de Fernand Dartigues a été écrit à Cannes et publié en septembre 1989. Beaucoup avant lui ont écrit sur ce sujet et publié des avertissements argumentés de façon plus scientifiques. Mais, il est triste de constater que l’humanité, gouvernée par le profil, est collectivement sourde. Individuellement, en Occident surtout, personne ne veut remettre en cause son mode de vie tourné vers le plaisir instantané et éphémère et la consommation de produits sensés le lui procurer. Ce « Monde d’après » que la crise provoquée par la Covid avait laissé espéré différent ne s’annonce par mieux. Preuve parmi mille autres, l’inauguration d’un nouveau paquebot de croisière, le « Wonder of the sea ». Il va pouvoir offrir du loisir plus ou moins bon marché, à 6 988 passagers qui auront 2 300 membres d’équipage à leur service. Le capitaine pourra, s’il le désire les propulser à une vitesse de 25 nœuds… Pour la petit histoire, il n’est que le 5ème dans catégorie de grandeur. Bien sûr, les autorités françaises (le paquebot a été construit dans les chantiers navals de St Nazaire), se sont réjouis de ce choix qui a donné du travail à des centaines d’ouvriers pendant des années… L’argument économique est redondant. Il reflète notre politique à court terme. On en vient ainsi à gérer à la petite semaine, le viseur bloqué sur les prochaines échéances électorales. Allons droit dans le mur en chantant !