Hausse des prix du gaz : notre dépendance aux engrais azotés

devient évidente...

La hausse des prix du gaz fait s’envoler les prix des engrais, mettant les agriculteurs en difficulté et démontrant l’urgence à réduire notre dépendance aux engrais azotés de synthèse pour préserver notre sécurité alimentaire. Une crise alimentaire planétaire à venir avec des prix qui risquent bien d'exploser ?


Force est de constater que le prix du gaz a augmenté de 300% par rapport au début de l’année 2021, cela avant même d’entrer en période hivernale. Or, tous les engrais azotés de synthèse sont fabriqués à partir de gaz fossile. On estime qu’il faut l’équivalent en gaz d’1kg de pétrole pour fabriquer 1kg d’azote de synthèse. Par conséquent, en moins d’un an, le prix des engrais azotés a doublé, et presque triplés pour certains d’entre eux, jusqu’à atteindre des niveaux jamais observés depuis une décennie.

La production d’engrais devient ainsi beaucoup moins rentable pour les industriels, qui ont récemment décidé de mettre temporairement à l’arrêt certaines usines ou de réduire leur production car « ça ne fonctionne pas sur le plan économique » selon Ben Isaacson, analyse à la banque Scotiabank. Ainsi, l’entreprise Yara a décidé de réduire sa production d’ammoniac - base nécessaire à la fabrication des engrais azotés de synthèse – de 40%,  ajoutant ainsi le facteur inflationniste de la raréfaction des engrais de synthèse à celui du prix du gaz.

Cette situation met en évidence la relation malsaine de dépendance entre agriculture intensive et engrais azotés de synthèse. Cerise sur la gâteau, la France est championne d’Europe de la consommation d’engrais de synthèse, avec plus de 2 millions de tonnes vendues chaque année aux agriculteurs (85% de l’azote apporté au sol en France provient de ces engrais).

« Le coût des engrais est l'un des principaux moteurs de l'inflation alimentaire mondiale actuelle, car les prix des trois groupes de nutriments – potasse, phosphate et azote – sont à des niveaux jamais observés depuis environ une décennie », alerte ainsi Elena Sakhnova, analyste de la banque d'investissement VTB Capital à Moscou.

Les agriculteurs, dont certains ont repoussé leurs achats en espérant des jours meilleurs, se retrouvent ainsi à acheter des engrais à des prix phénoménaux. Selon les experts, la hausse des prix n’est pas près de s’arrêter. Contrairement à Yara, dont le chiffre d’affaire est d’environ 12 milliards de dollars US, les agriculteurs ne peuvent pas se permettre de mettre en pause leur activité – mais pour combien de temps encore ? 

Des solutions existent, des pistes à suivre. A commencer pour la France par une souveraineté alimentaire plus importante et pour cela il est nécessaire de réduire la consommation d’engrais azotés de synthèse et d’accroître l’accessibilité de l’azote organique. 

Autre piste, celle d’une agriculture résiliente, condition de la sécurité alimentaire, est une agriculture qui maîtrise ses approvisionnements. L’azote, fondamentale pour la croissance des plantes, peut être apportée via de bonnes méthodes culturales (cultures associées, rotations) ou via l’apport d’engrais organiques (légumineuses, résidus de culture, déjections…). Des solutions bien plus écologiques et moins coûteuses que les engrais chimiques existent. Ainsi cette startup américaine, PivotBio, qui a mis au point un fertilisant, à base de micro-organismes naturels, capable de fixer l'azote dans les plantes. De nombreuses études prospectives montrent qu’une Europe indépendante des engrais azotés de synthèse n’est pas, elle, une utopie. Encore faut-il avoir la volonté politique pour mettre en place les solutions ad hoc !