En guise de vœux pour 2021…

Crédits:
textes par
Catégorie Les paradoxales

Nos parents ou nos grands-parents ont connu une guerre ou deux, certains trois. Moi, je suis né à Marseille, sous les bombes lancées par les Américains pour nous libérer. J'ai connu les tickets de rationnement après la guerre et le confort rudimentaire d'un appartement mal chauffé au charbon… Puis il y eut un petit âge d’or dont j’ai, comme beaucoup de ma génération, largement profité. Du travail en veux-tu en voilà, de plus en plus de protection sociale, de jours de congés, d’opportunités pour parcourir le monde et pratiquer des sports jusque-là réservés à une élite friquée et à des notables… aussi beaucoup plus de libertés, beaucoup moins de contraintes et d’interdits qu’aujourd’hui.




Mai 68 a fait long feu et cela nous amène à un constat sans appel : plus nombreux on est sur cette terre, plus se rétrécit le champ de nos libertés… jusqu’à l’absurde. Ainsi nos véhicules personnels sont devenus de petits bijoux de technologie, capables d’atteindre en quelques secondes des vitesses impressionnantes. Ce qui devrait être suffisant pour atteindre rapidement les destinations choisies, sauf que les limitations de vitesse nous l’interdisent et, aux heures de pointe, elles ne signifient plus rien… Ne parlons pas des gendarmes couchés, des ceintures de sécurité, des casques pour les motos et vélos, radars, vidéo-surveillance... tout un ensemble d’obligations mis en place pour nous protéger de nous-mêmes et des autres.

Ces guerres qu’on affirmait dernières, ont laissé la place au terrorisme, essentiellement islamique, et au cyberterrorisme, d’État ou pas. Jusqu’à ce que surgisse l’année dernière une guerre bactériologique ou plutôt virale, avec une pandémie qui déstabilise en profondeur nos activités habituelles et nos priorités. Ce ne sont pas des bombes qui tombent mais bien nos certitudes qui ont du plomb dans l’aile. Nous avons cru pendant quelques petites décennies que nous étions sur le chemin d’une éternelle croissance, que les ressources de la planète étaient inépuisables et que, en cas de fourvoiement, les scientifiques trouveraient, comme ils l’ont jusque-là toujours fait, les solutions idoines, que ce soit dans les domaines essentiels de l’énergie comme de la santé. 

Le Monde d'hier ne ressemblera pas au Monde de demain, c'est une quasi-certitude. Cette situation soudaine apparaît comme durable mais n’était pas pour autant imprédictible [les prévisionnistes du Club de Rome avaient en 1968 déjà planché sur « une crise planétaire naissante » liée à nos modes de vie]. L’hypothèse de pandémies dévastatrices et quelque part régulatrices, avait déjà été envisagée, mais qui veut entendre les mauvaises nouvelles. Et c’est la Covid, invisible à l’œil nu, qui s’invite aujourd’hui nous rappelant notre vulnérabilité, la fragilité de nos existences ; combien la planète Terre est petite et ne peut pas fournir à long terme les ressources dont nous avons besoin si nous continuons sur le même rythme, même et surtout si ces besoins ne sont pas essentiels... Nos choix civilisationnels nous ont conduit à un « toujours plus » dévastateur comme on le mesure maintenant et qui touchent notamment à nos façons de produire notre nourriture.

Cette catastrophe qui nous tombe dessus nous fait craindre un avenir hasardeux bien différent de nos attentes et des promesses de prospérité de nos gouvernements et candidats aux postes les plus hauts. Crainte de la mort mais pas que. Crainte de l’inconnu avec, last but not least, une perte totale de nos repères. Ces masques à porter, ces limitations à se toucher, se rencontrer, s’aimer, voyager… laisseront des traces et modifieront nos comportements, même si elles ne devaient pas durer. 

Nécessité fait loi et quoiqu’il arrive, il faut nous adapter et tirer le meilleur parti possible des changements lorsqu’ils interviennent. Il est quasiment certain que le Monde de demain ne ressemblera pas au Monde d’hier. C'est aussi une occasion de mettre en cause nos choix collectifs comme individuels. La prospérité, principal moteur de nos civilisations, est principalement lié au consumérisme, nous laissant croire qu'elle va de pair avec, grossière erreur, notre légitime recherche du bonheur. Cela a débouché par exemple sur l'avènement d'un tourisme de masse destructeur et une pollution généralisée accentuée par notre incivisme quasi congénital. 

Sommes-nous pour autant dans un cul-de-sac ou plus simplement à la croisée des chemins ? Les mois qui viennent vont vite nous dire à quelle sauce nous allons être mangés... En attendant que nos enfants et petits-enfants nous demandent des comptes et jugent de notre bilan, il conviendrait sans aucun doute de modifier d’ores et déjà nos paradigmes et de nos comportements pavloviens. Libre à nous de n'être qu'un simple spectateur ou un acteur averti, voire éclairé de notre destin. Nous avons toute l'année 2021 pour y penser…