Immigration : un bilan qui a du poids !

Catégorie Les paradoxales

En janvier dernier, Pierre Brochand, ex-ambassadeur de France au Portugal, ancien DG à la Sécurité extérieure (DGSE), intervenait lors du séminaire « Immigration et intégration » de la fondation ResPublica. Il dresse un bilan affligeant, détaillé et sans concession qui fait depuis le buzz sur les réseaux sociaux… Il dénonçait, un des premiers à le faire, le clientélisme de fait des élus et des candidats aux élections. Extraits :



- opération Triton, 2015 -


Le mouvement de l’immigration par le droit, dans la mesure où il est auto-entretenu - l’effet devenant la cause qu’il renforce -, s’accélère spontanément sans crier gare, selon une loi mise en évidence par Paul Collier, éminent économiste d’Oxford. En vertu de ses recherches, 10 immigrés installés en font venir 7 autres par le jeu du droit (regroupement familial, mariages, études, naturalisations) et ces 17 en appellent 12 autres, et ainsi de suite à l’infini, comme dans une pyramide de Ponzi, dont il faut bien payer un jour la note.

Les flux, même s’ils sont considérables (400 000 personnes en 2018 pour les seuls légaux et semi-légaux, mineurs non compris), ne provoquent pas de choc immédiat : pour reprendre un autre anglicisme, ils sont incrémentaux, CAD. s’additionnent, au jour le jour et d’année en année, pour produire des effets de «stock» progressifs, auxquels les esprits ont le temps de s’habituer. Illusion d’optique bien naturelle, puisque les courants annuels ne représentent « que » 3 à 4 % du «stock». Ce processus de la (grosse) goutte d’eau est néanmoins néfaste en ce qu’il fournit un alibi à la passivité de la classe politique, qui (…) ne demande que ça, quoiqu’elle puisse en penser par ailleurs.

Ainsi, dès lors qu’il n’en résulte pas de catastrophe immédiate et spectaculaire, tout peut continuer comme si de rien n’était. Et même, si des événements dramatiques, liés de près ou de loin à l’immigration (émeutes de 2005, attentats de 2015), viennent occuper le devant de la scène, ils sont peu à peu normalisés et banalisés, voire oubliés, par une sorte d’effet de cliquet propre à encourager l’aveuglement volontaire.

Pour l’immigration asiatique, sino-vietnamienne en particulier, ni le décalage culturel, ni le passé colonial (pour les Indochinois) ne semblent avoir été un obstacle sur la voie d’une intégration, sinon d’une assimilation, réussie. Il s’agit là d’une exception embarrassante à l’axiome selon lequel, sous le règne de la diversité, il n’est pas d’inégalité sans discrimination.

Ce n’est pas livrer un secret d’État que d’imaginer que, si une situation d’anarchie ouverte s’étendait et se prolongeait au-delà de ce que furent son extension et sa durée en 2005, il n’y aurait plus d’autres recours pour la contenir que l’appel aux forces armées, sous des formes d’ailleurs peu évidentes à définir, sauf à abandonner des pans entiers du territoire, ainsi que leurs habitants, à une résurgence de l’état de nature au sens hobbesien du terme.

Après 50 ans de renoncements ou de bricolages, nous en sommes venus à vivre dans une société multiculturelle, multinationale et tacitement multi-ethnique, où, pour la première fois en mille ans d’histoire de France, le « multi » se réfère à une composante non européenne, comportant en outre une forte minorité, motivée par le primat de la religion sur tout autre considération.

Les élus locaux ne sont pas en reste, qui n’ont pas tardé à percevoir les possibilités infinies qu’ouvrait le clientélisme dans un milieu fortement communautarisé. Ils sont ainsi devenus, dans beaucoup de cas, les acteurs zélés du statu quo, voire de son aggravation, en négociant avec les imams, les notables islamistes, les « grands frères » ou parfois mêmes les caïds de la délinquance, le maintien de la paix et la livraison des votes, en échange d’avantages sonnants et trébuchants (subventions à des associations, locations de terrains pour la construction de mosquées, confusion entretenue entre le cultuel et le culturel, etc.).

Les médias jettent de leur côté un regard pudique et/ou enjolivant sur ces situations, que l’on peut qualifier d’auto-censure, d’abord pour tenter d’occulter les faits les plus gênants, en espérant que les réseaux sociaux ne les révéleront pas (les précautions de sioux prises pour dissimuler les noms et prénoms des fauteurs de troubles seraient comiques si le sujet n’était aussi grave), mais surtout pour formater les événements ou les situations, afin que leur interprétation ne contredise pas les dogmes en vigueur.

(…) Un autre thermomètre qu’on a préféré casser est celui de l’Indicateur national des violences urbaines (donc centré sur les « quartiers sensibles »), qui, après en avoir dénombré 11 000 en 2005, a vu sa publication aussitôt interrompue. Comme si un chirurgien avait précipitamment recousu l’abdomen de son patient après avoir découvert ce qu’il contenait… Grâce aux compagnies d’assurance, on peut néanmoins se rabattre sur la plus innocente des « incivilités », à savoir le nombre de voitures brûlées chaque année (45 000), en grande majorité dans les mêmes « quartiers populaires ».

(…) Manipulation, quand aucune ressource de la rhétorique n’est négligée pour minimiser ce qui pourrait dévaloriser l’immigration et exalter ce qui peut la valoriser. Dans le premier cas, fleurissent les figures de l’atténuation : euphémismes (« jeunes »« quartiers sensibles, difficiles, populaires, défavorisés »), métonymie (« camion fou »), antiphrases (« vivre ensemble »), litotes (« sans-papiers », « incivilités »), oxymores (« jihadiste strasbourgeois », « islamiste toulousain »). Dans le second cas, les figures de l’amplification prennent le relais : hyperboles laudatives (« Mamadou, héros national ») ou explicatives (exclusion, misère sociale, désespoir, ghetto, relégation, contrôle au faciès, apartheid).

(…) Au final, l’immigration est le seul domaine non militaire où se pratique une sorte de « secret défense » officieux, avec l’intention éminemment louable de ne pas «mettre de l’huile sur le feu»« attiser la braise » ou « faire le jeu de l’extrême droite ». Observons, néanmoins, que cette triple mise en garde reconnaît implicitement la gravité du problème, puisque, dans un cas, on admet qu’il y a le « feu » ou, à tout le moins de la « braise », et, dans l’autre, on ne fait que choisir entre deux maux, ceux résultant d’une éventuelle montée de l’extrême-droite étant jugés pires que ceux provoqués par la poursuite d’une immigration incontrôlée. En somme, le langage que nous tiendraient des autruches si elles avaient la possibilité de parler.

Pierre Brochand