Artiste aux multiples talents, Frandsen, le baron danois de Valbonne…

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Un magnifique ouvrage vient de sortir qui lui rend hommage. Isolé dans sa propriété, l’homme n’a indubitablement pas eu la notoriété et le succès qu’il eut mérité. En cela, il n’est pas le seul artiste à avoir été boudé de son vivant mais, à l’inverse de certains autres, sa disparition n’a rien arrangé. La faute à ses dernières années qu’il a vécu volontairement éloigné du monde et un héritage hâtivement dispersé ; avec à la clé une œuvre déroutante, difficile à décrypter et sa décision de ne pas « jouer le jeu » des galeristes. 


- Frandsen, la tentation de la femme, huile sur toile, 80 x 65, 1946 -

Et pourtant, son œuvre picturale, ses sculptures et ses céramiques, sa poésie aussi, méritent toute notre attention.
Le texte de présentation de Mikaël Faujour, décrit bien le personnage, haut en couleur et hors du temps.
Les représentations de plus d'une centaine de ses œuvres parlent d’elle-mêmes et interrogent le spectateur.

J’ai eu la chance de rencontrer, gamin, ce personnage attachant.
J’ai ainsi passé quelques dimanches, au début des années cinquante, dans son immense domaine valbonnais.
Je me rappelle la maison qui dominait les pinèdes, pas luxueuse, la grande table, la cuisine sombre, les repas frugaux, le poulailler tout proche où nous allions ramasser quelques œufs avec son fils Milou…
Mais c’est surtout l'élégance, la personnalité de monsieur de Frandsen, ses yeux très doux et expressifs ,sa gentillesse qui s’imposaient à moi.
Je n’étais pas insensible pour autant à ses peintures et à son atelier lumineux, un peu plus bas, où je passais beaucoup de temps.
Des peintures aux couleurs acidulées y tapissaient les murs, principalement des portraits de femmes.
Au milieu, des sculptures de mantes religieuses, des têtes de femmes (j’étais bien trop jeune pour imaginer qu’il puisse y avoir un lien…).
Le baron découvrait le travail de la terre glaise et s’évertuait à donner vie à ces multiples visages.
Je le regardais faire, sagement attentif à son travail, subjugué par la passion qui l’animait.
Mon père, à l’époque critique d’art, était conquis et échangeait interminablement avec lui sur des sujets qui se rapportaient à la création artistique, à la poésie du monde, à la cruauté de l’homme, à l’impossible recherche du bonheur… au « tensisme » qu’il s’appliquait à théoriser : essai philosophique, base de son travail existentiel.


- Frandsen, l'atelier de Valbonne -

C’est dans les années 60 que j’eus l’occasion de visiter quelques accrochages dans la petite et délicieuse Chapelle des Pénitents noirs à Valbonne ainsi que l’exposition organisée en… 2007 par ses enfants, Monique Rabusson Frandsen et Émile de La Tour, à la galerie-atelier du maître verrier Loumani.
Rétrospective utile pour situer une œuvre… hors des modes.
On la retrouve intacte et magnifiée dans l’ouvrage récemment publié.
On y évolue entre des représentations figuratives pleines de symboles et de non-dits et une abstraction prudente et colorée.
On comprend qu’elle ait eu du mal à trouver sa place, car dans ce bas monde, celui de la finance et de l’art marchand, tout doit être catalogué, étiqueté, aseptisé, entré dans une case… et, d’évidence, Émile Théodore Frandsen n’y entre pas.


Émile Théodore Frandsen 1902-1969
textes de
aux éditions Le Livre d’Art , ISBN : 978-2-35532-312-6
160 Pages — 32 €