Sur mes étagères : « Le vieux carnet rouge » de Jacques Deval.

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Catégorie pour aider à vivre

Il y a des livres, qui, quelle que soit leur taille et le nombre de leurs pages, ont, plus que d’autres, joué un rôle important dans le choix de vie de ses lecteurs. « Le vieux carnet rouge » de Jacques Deval fait partie de ceux-là. Il ne paye pas de mine pourtant. Quinze centimètres sur 10 et une centaine de pages à peine. Cette édition a été publiée en novembre 1935. C’est celle que mon père, Fernand, a lu dans la petite vingtaine et qui l’a accompagné jusqu’à sa mort. Elle est passablement écornée, surlignée, annotée.




Ce carnet qu’il glissait dans sa poche, représentait pour lui un véritable trésor. Il y puisa la force de survivre à ses inquiétudes existentielles et, dans sa jeunesse, à la pauvreté de sa condition. En juin 1992, il écrivait sur l’une des pages de garde :


« Je dois beaucoup à ce Carnet, car à l’époque où je l’ai lu (vers les 25 ans), il m’a aidé à faire entrer dans mon esprit des conceptions dont j’avais grand besoin. Certaines formules, en effet, m’ont grandement secourues alors que ma confusion d’esprit était pénible et dangereuse. Plus tard, le relisant, il en est [des maximes] que je récuse ; mais l’important c’est que quelques unes m’aient servies. Comme : ‘Le devoir est aux choses prochaines, sur lesquelles il n’y a point de doute’. Ou bien : ‘De l’obstacle que tu rencontres, fais en un sujet d’exercice’. »


Comme le définit l’auteur, ce semainier est ‘un mélange anonyme de pensées illustres ou inconnues’. Certains y reconnaîtront pourtant la signature de tel ou tel philosophe grec, ici et là une phrase de Montesquieu ou de Pascal. Peu importe, ce qui compte, c’est la démarche : prendre le temps de s’arrêter, de réfléchir, à l’aune de la pensée des autres. « Le devoir est aux choses prochaines sur lesquelles il n’y a point de doutes » : vous avez deux heures...


J’ai mieux compris la quête de mon père en lisant à mon tour ce carnet et son désir de faire partager cette expérience profitable. Ainsi, des années plus tard, après avoir renoncé à une carrière de fonctionnaire, il décide de se consacrer à l’écriture. Dans le bimensuel qu’il créait en 1959, « Cannes Festival » qui deviendra Paris Côte d’Azur, il alimente avec régularité une rubrique qu’il intitule « Pour aider à vivre ». Des centaines, bientôt des milliers de pensées, maximes, aphorismes, adages... qui s’accumuleront au fil des parutions. Comme pour le carnet référence, certaines sont obscures, d’autres sont d’évidences, toutes portent à la réflexion.


Dans la dernière page blanche du vieux carnet rouge, mon père livre un dernier commentaire non daté : « Surtout ne pas croire que la sagesse consiste à nier, qu’elle est morose et qu’il faut pour être sage se barricader derrière de prudentes vertus. Chercher la vérité et parmi les vérités celles qui chassent le malheur et donnent la joie. »