Les compagnies aériennes françaises

en danger ?

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« Si l’on ne fait rien, il n’y aura plus de compagnies aériennes françaises dans 5 ans » s’inquiète Alain Battisti, président de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande.



- Alain Battisti -

Longtemps chasse gardée des Etats, les compagnies aériennes battaient fièrement le drapeau national et déployaient des trésors de séduction pour fidéliser une clientèle encore frileuse. Les sièges étaient plus spacieux, les hôtesses avenantes, les repas de qualité avec de vrais verre et des couverts en métal... Sabena, Swissair, Air France étaient parmi les enseignes qui dominaient le marché européen. Je me rappelle de la performance du personnel de cabine sur le vol Nice/ Genève. Ils étaient capables de servir un déjeuner ou un dîner complet durant l’heure de vol et avec le sourire...

Puis vint la dérégulation initiée, pour ne pas dire imposée, par les Etats-Unis. L’Europe appliqua sans... état d’âme les nouvelles règles. Fini le protectionnisme, bonjour la concurrence implacable du marché et l’avènement du low cost ! Beaucoup, pour ne pas avoir anticipé assez tôt et s’être adapter, replièrent leurs ailes. D’autres survivent, l’épée de Damoclès suspendue sur leur tête...

Les lost cost font maintenant la pluie et le beau temps. Ils imposent leurs tarifs en bénéficiant d’avantages fiscaux et surtout d’un droit social avantageux, jusque parfois à friser les limites des règles et les dépasser... Internet est passé par là qui a démultiplié les économies d’échelle en permettant l’information et surtout la réservation en ligne. Mais cela est valable pour tous !

Alain Battisti ne craint pas de pointer du doigt Ryanair et Easyjet et de donner en exemple la récente condamnation de la première compagnie citée. Celle-ci applique une surtaxe de 2% sur les paiements par carte bancaire, surtaxe jugée illégale. Mais que signifie 150 000 € d’amende au regard de 2% de revenu complémentaire calculé sur plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaire ? Second exemple, Easyjet, compagnie reçue en grandes pompes au ministère des Transports en juin dernier et qui déclarait publiquement n’opérer sur le territoire national que la moitié de ses vols avec du personnel basé en France. Cette affirmation lui permettant de ne payer que la moitié des cotisations sociales dues par son exploitation française.

Autre concurrence dommageable, celles des compagnies extracommunautaires (surtout celles en provenance des pays du Moyen-Orient), largement soutenues par des Etats aux ressources financières quasi illimitées. Peut-on alors encore parler de libre concurrence ?

Le président de la FNAM dresse un triste constat : Les compagnies françaises voient depuis 12 ans, une inexorable décroissance de leurs parts de marché. Pourtant, face à l’évolution de la concurrence, les compagnies régulières françaises ne sont pas restées inactives. Elles ont noué des alliances commerciales, réformé leur offre, travaillé leurs programmes et leurs tarifs, régulé les capacités, développé des hubs internationaux ou nationaux, modernisé leur flotte. Mais cela risque de ne pas être suffisant tant les entreprises françaises vivent des handicaps structurels. Quant aux coûts sociaux et fiscaux imposés, ils sont simplement incompatibles avec la  guerre économique qui se déroule. 

Alain Battisti craint que pour certaines compagnies emblématiques la fin soit proche. Il préconise une mise à plat rapide du système français. Si nous restons sur la tendance actuelle, il n’y aura plus de compagnies françaises dans moins de 5 ans. 

Des solutions ? Réduire les coûts de fonctionnement (augmentation de la productivité, réduction des effectifs, concentration des administrations, introduction de la rémunération variable et au mérite, modernisation de certaines infrastructures ou systèmes). La direction générale de l’aviation civile doit simplifier ses procédures internes et réduire celles qu’elle impose à l’ensemble des acteurs de l’industrie. Il faut aussi mettre fin à la surinterprétation des textes européens, par exemple en matière de sureté, de maintenance, de temps de travail, de surveillance réglementaire...

« Le pavillon français se trouve désormais à la croisée des chemins. Soit nous renonçons collectivement à exister [c’est ce que refléte le plan proposé par le syndicat majoritaire des pilotes de lignes qui, en refusant le développement low-cost du groupe Air France, condamne la compagnie à renoncer au Court et Moyen-courrier], soit nous réagissons collectivement, pour donner à nos enfants un avenir au sein d’un transport aérien tricolore au cœur d’une concurrence saine et rééquilibrée. »

  • La FNAM est la principale organisation professionnelle du secteur aérien. Au travers de 8 groupements professionnels, elle représente plus de 370 entreprises et fédère 9 métiers : le transport de passagers et l’aviation d’affaires, le taxi aérien, le transport par hélicoptères, le transport de fret, la maintenance aéronautique, les services aéroportuaires, le travail aérien, les écoles de formation. La Fnam représente plus de 95% du secteur du transport aérien français, soit plus de 100 000 emplois dont 72 000 emplois dans les compagnies aériennes et 30 000 dans l’assistance en escale et gestionnaire d’aéroports. Ce secteur, 1 emploi direct crée 4 emplois indirects ou induit. CQFD !