Alpes-Maritimes : Éric Ciotti en arbitre à l’ouest du département ?

Le quotidien d’information « Nice-Matin » vient de donner une forme écrite aux rumeurs qui circulaient depuis plus de trois semaines et qui donnaient partant Éric Ciotti pour les prochaines élections municipales à... Cannes, à la grande surprise des candidats potentiels qui n’en demandaient pas tant !

Si Nice-Matin a porté hier cette information à la connaissance de ses lecteurs dans sa rubrique « Politiquement indiscret », il n’est pas pensable qu’il ait pu le faire sans l’autorisation du principal intéressé. Comment imaginer en effet un autre scénario lorsqu’on connait les liens étroits et… commerciaux que le quotidien entretient avec un des plus importants fournisseurs d’annonces (avec la métropole niçoise, la Principauté monégasque, la CASA et Cannes) ? Ainsi donc le président du Conseil général des Alpes-Maritimes aurait des vues sur la commune de Cannes déchirée par des ambitions conflictuelles entre membres de la majorité départementale et nationale ? Citons pour mémoire Philippe Tabarot, David Lisnard, Gilles Cima et Bernard Brochand qui n’a jamais dit qu’il ne se représenterait pas pour un nouveau mandat…

Qualifiant cette rumeur de « grotesque », Éric Ciotti affirme qu’il a d’autres chats à fouetter. D’ailleurs les parachutages, si l’on excepte celui de Bernard Cornut Gentille, c’était en 1958, ça ne marche pas très bien à Cannes. D’autres et non des moindres s’y sont cassés les ongles ou ont prudemment renoncés. Missionné par Jacques Chirac, le député parisien, Pierre Lellouche, était descendu pour chasser Michel Mouillot de la place. En vain. Olivier Giscard d’Estaing avait lui réussi à occuper le poste de député mais pas la mairie. Malgré son prestige dû à la loi qui porte son nom, Lucien Neuwirth se découragea, Charles Pasqua laissa enfler la rumeur de sa venue mais comprit bien vite que ça ne menait à rien… Dernier en date, Lionnel Luca présenta une liste lors des municipales de 2001. À travers leurs votes, les Cannois lui firent comprendre qu’ils n’appréciaient guère, quelques soient ses immenses qualités, son départ de la mairie voisine de Villeneuve-Loubet pour la cité des Festivals ; dans ce cas, le principe des vases communiçants n’est pas applicable…

Mais cette rumeur pourrait aussi bien être décodée en regardant par l’autre bout de la lorgnette, celui du Conseil général et de son avenir. De quoi par exemple donner corps à la volonté de main mise sur tout le département des Alpes-Maritimes par une seule personnalité ou un seul clan. Combien en ont rêvé ? Jean Médecin puis Jacques son fils, Michel Mouillot sans doute et Christian Estrosi qui n’a pas innocemment choisi d’intituler l’intercommunalité niçoise, lorsqu’elle est devenue une communauté urbaine : Nice Côte d’Azur, marquant ainsi sa volonté hégémonique…. serait-ce maintenant au tour d’Éric Ciotti ? Aurait-il vraiment le goût de jouer l’arbitre et d’arriver de l’est avec la sincère volonté de mettre tout le monde d’accord avec deux options : vous vous entendez et il n’y a qu’un seul candidat en position de réclamer l’investiture du parti et je reste à la maison ou, plus brutalement : j’y vais, et puis c’est tout !

Le microcosme politico-niçois s’interroge lui aussi. Et si plus simplement, l’objectif était d’éloigner le président du Conseil général de la capitale azuréenne ? Cette institution est appelée, rappelons-le, à fusionner avec le Conseil régional ce qui devrait amener à des « dégraissages »… Or, tout le monde le reconnaît, Éric Ciotti a pris une envergure nationale depuis ses prises de position notamment sur le dossier de la sécurité. Paradoxalement (mais est-ce un paradoxe ?), ses qualités indubitables de technocrate qui connaît bien ses dossiers, ne le met pas à l’abri d’un autre échec dans le cadre d’une élection… d’homme à hommes (Éric Ciotti avait échoué d’une courte tête face au candidat PS Marc Concas, en 2008 ; devant impérativement prendre la présidence du Conseil général que Christian Estrosi devait abandonner pour cumul des mandat, il se fit élire rapido-presto sur le canton de Saint-Martin-Vésubie -1732 électeurs - devenu libre après la démission opportune de Gaston Franco, rapidement remercié pour sa bonne volonté…).

Quoiqu’il en soit, la rumeur va bon train, un véritable TGV mais peut-être comme celui-ci, ce n’est qu’un bruit de fond destiné à tromper l’ennemi. Quel ennemi ou ennemis ? Cette rumeur, inégalement diffusée, a quand même choqué si tant est qu’on puisse être choqué dans le monde de la politique politicienne, surtout à Cannes. Le public, on l’a vu plus haut, n’aime guère les parachutages et les candidats n’apprécient pas de se faire remonter les bretelles. À juste raison, ils jugeraient très dévalorisant cette intrusion de l’est du département vers l’ouest.

Alors une rumeur orchestrée pour tâter le terrain ou juste du tapage mais alors dans quel but ? Car, répétons-le, à notre sens, une telle annonce même avec toutes les précautions journalistiques d’usage, a une portée non négligeable sur les états-majors politiques locaux. Elle ne peut avoir été publiée qu’avec l’assentiment de l’intéressé ou de ceux intéressés par sa déstabilisation. Dans la foulée, on a aussi parlé de la venue de Christine Lagarde qui a sûrement d’autres dossiers plus essentiels à régler. Pourquoi pas DSK pendant qu’on y est ?

On en oublierait qu’avant les municipales en 2014 (on parle de les retarder d’une année), il y aura l’élection à la présidentielle (le 22 avril et le 6 mai) et les législatives (le 10 et 17 juin). Or, de toute évidence, leurs résultats changeront la donne tant au plan national que local et donc cannois.

Alain Dartigues