Saint-Raphaël : des historiens font la lumière sur l'ancre

qui orne l’entrée du port ?

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Les coloniaux ont toujours été intéressés par les ancres de marine et parmi celles-ci, il en est une qui intrigue particulièrement le voyageur arrivant pour la première fois dans le vieux port de Saint- Raphaël. Elle est énorme, en acier, pèse plusieurs tonnes et côtoie le monument commémorant le retour d'Égypte du jeune général Bonaparte. Ceux qui se font photographier à côté d'elle ignorent tout de son histoire, qui mérite cependant d'être contée.

Elle fut sortie du vieux port en 1975 et constitue le dernier vestige d'un énorme cuirassé autrichien de la première guerre mondiale, le « Prinz Eugen ». C'est l'Empereur d'Autriche-Hongrie François Joseph qui décida de développer sa marine de guerre en mettant à profit les accès à la mer Adriatique que lui offraient la Dalmatie, la Croatie et la Slovénie. Une importante base navale fut développée à Pola en Istrie, en profitant d'une rade magnifique semblable à celle de Toulon.

Le parrain du cuirassé, le Prince Eugène de Savoie était un général d'origine française qui servit l'Empereur d'Autriche après avoir été banni de France par Louis XIV pour mœurs dissolues. Son nom fut attribué à un nouveau cuirassé autrichien, lancé à Trieste alors autrichienne, le 30 novembre 1912.

Il avait un déplacement de 21 000 tonnes, pour une longueur de 150 mètres, atteignit dès les essais une vitesse de 20 nœuds et portait 12 pièces de 305 mm portant à 40 kilomètres fabriquées dans les usines Skoda.

Après l'assassinat à Sarajevo par un nationaliste serbe de l'archiduc François Ferdinand, héritier du trône et parrain du cuirassé, le 28 juin 1914, l'Autriche déclara la guerre à la Serbie, ce qui conduisit par le jeu des alliances, à la Première Guerre Mondiale.

Durant le conflit, le Prinz Eugen et ses trois sister ships les cuirassés Viribus Unitis (1911), Tegetthoff (1912) et Szent Istvàn (1914) furent très peu utilisés à cause de la menace des sous-marins et des vedettes lance torpilles. Le Viribus Unitis fut coulé par mine et le Svent Istvàn coulé par une vedette lance torpille italienne.

À la fin de la guerre, au traité de Versailles, le Prinz Eugen fut accordé à la France au titre des dommages de guerre. Incapable de manœuvrer seul, il dût être hâlé par deux remorqueurs de 900 chevaux le Goliath et le Rhinocéros jusqu'à Toulon où il arriva en 1920.

Il fut décidé de le désarmer. Les canons de 305 seront entreposés à l'arsenal d'où ils seront sortis en 1942 par l'armée allemande, après le sabordage de la flotte, afin d'être intégrés aux défenses du mur de l'Atlantique. Les ancres seront conservées et l'une d'entre elles va être envoyée à Saint- Raphaël, afin de servir de corps-mort pour l'amarrage des petits bâtiments de la Marine Nationale.

Le Prinz Eugen va terminer sa carrière en servant de cible dans le cadre de toutes sortes d'expérimentations maritimes. Il sera définitivement coulé par les obus du cuirassé Bretagne sur des fonds de 2000 m le 28 juin 1922. Son ancre va longtemps servir de mouillage, reliée à une chaîne et à une bouée régulièrement entretenues. Un jour, vraisemblablement au cours de la seconde guerre mondiale, l'usure aidant, la bouée coula et l'ancre disparut sous des sédiments vaseux du vieux port.

C'est là que des travaux de dragage effectués en 1975 la remettront à jour. Une fois sortie de l'eau, le maire de l'époque, Monsieur Henri Giraud, décida de l'exposer à l'endroit où le public peut l'admirer actuellement.

  • D'après les recherches historiques de Gérard Charlier de Vrainville et du Docteur J.P. Joncheray, archéologue sous-marin.