Cannes : Colloque sur la Réforme de la Justice Pénale,

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un premier succès pour l’association « Agir ».

Première action d’envergure de l’association Agir, premier succès. Sur le sujet ingrat de la Réforme judiciaire, plus de 250 personnes s’étaient retrouvées dans une salle de conférence du Majestic. Ainsi Xavier De Roux avocat au barreau de Paris, Michel Valiergue, bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Grasse, Roger Bernardini, le doyen de la faculté de Droit de Nice, François Wagner et Gérard Baudoux, tous les deux avocats au barreau de Nice, ainsi que Patrick Devron, ancien capitaine de police à Cannes, étaient venus donner leur opinion et échanger sur ce sujet brûlant.

  - photo Tribune Bulletin Côte d'Azur -

En guise d’introduction, Philippe Buerch, notaire à Cannes et à l’origine de cette initiative, rappelait que l’institution judiciaire n’est pas une administration comme les autres, qu’elle a besoin de sagesse, qu’elle a besoin de se remettre périodiquement en cause pour mieux répondre à ses objectifs de… justice. En effet, les décisions qu’elle est amenée à prendre sont sans nulle autre pareille dans la mesure où elle peut conduire à l’emprisonnement, à la ruine, au suicide comme à la résurrection, en condamnant ou en acquittant un coupable ou un innocent.

Très pédagogue, l’universitaire Roger Bernardini, rappela que le Code de procédure pénale, qui fut l’un des meilleurs au monde, date de 1810. Copié, amendé dans bien des pays pour leur plus grand bénéfice, il fut modifié en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing. Une réforme qui mit 20 ans à aboutir… Trop de lois, trop d’infractions inscrites sur ce catalogue à la Prévert qui ne cesse de… s’enrichir alors qu’il faudrait le remettre à plat, le dépoussiérer ; avec néanmoins beaucoup de prudence, souligne Me Bernardini qui argumente : trop de dépénalisation, par exemple dans le droit des affaires, serviraient les fraudeurs.

Pour Me Gérard Baudoux, les dernières réformes ressemblent à des réformes de circonstances. Pas forcément, d’après lui, la meilleure façon d’appréhender la matière ; trop d’émotion, pas assez de réflexion ! Il dénonce aussi la difficile cohabitation entre l’institution judiciaire française et l’Europe. La seconde dictant de plus en plus à la première, les limites à ne pas dépasser, quitte à la sanctionner lorsqu’elle déborde. Le bouillant bâtonnier Michel Valiègue, reprit la balle au bond. La réforme est politique même si beaucoup de professionnels ont participé à son élaboration. Pour rien peut-être, puisque la France est considérée de plus en plus par les instances européennes comme le vilain petit canard… Sur ce sujet, Gérard Baudoux aurait tendance à enfoncer le clou. L’Europe a donné un délai à la France, juillet 2011, pour remettre de l’ordre dans son arsenal juridique de façon à éviter d’être systématiquement… pénalisée lorsqu’elle se trouve en conflit avec ce qui est devenu la légalité de référence, la loi européenne. Une situation qui annonce d'après lui, une période d’instabilité. Sur la suppression du juge d’instruction, Me François Wagner, parlerait volontiers de non événement ou de combat d’arrière garde. Si l’on s’en tient aux faits, assure-t-il, le système de la garde à vue est déjà mort et enterré puisqu’il n’y a plus que 3% des affaires qui passent par l’instruction…

Les choses étant dites et bien dites, Patrick Devron, ancien capitaine de police qui passa ses dernières années en fonction à Cannes, s’est retrouvé bien seul pour défendre le point de vue de son administration et justifier les us et coutumes qui prévalent lors de l’application des procédures officielles. Prudemment, il expliqua que le gardé à vue avait « des droits et que la police les respectait… dans la mesure du possible ». On sait que la tâche des forces de l’ordre est complexe et délicate, qu’il existe aussi une culture de l’aveu et que dans cette optique, policiers et gendarmes sont poussés à mettre la pression sur les prévenus… Tous étaient d’accord au moins pour constater que les relations entre les avocats et les policiers pouvaient encore… s’améliorer et que chacun portait sa part de responsabilité lorsque dysfonctionnement il y a.

Me Xavier Roux alla encore plus loin, suggérant une refonte complète de la procédure pénale : « c’est l’ensemble du système, tout le mécano, qu’il faut revoir ! » ; dénonçant au passage des « corporatismes extrêmement forts qui empêchent la justice d’évoluer. »

Un débat parfois tendu, que quelques mots d’esprits contribuèrent toutefois à apaiser, mais qui se révéla très riche pour l’auditoire et, on le souhaite aussi, utile pour les participants qui ont souvent l’occasion de se croiser et de se côtoyer mais qui ne prennent pas toujours le temps de confronter leur point de vue…

Satisfecit général donc pour cette soirée d’échanges constructifs, qui placent l’association Agir sur le devant de la scène, au plus fort de… l’action.

Alain Dartigues