Justice : jeux de lois... jeux d'avocats.

Archives Paris Côte d’Azur, avril 2004

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Le droit de savoir. Le préfet du Vaucluse, Paul Girot de Langlade, a été contraint de présenter ses excuses aux gens du voyage. Il s'était étonné qu'ils puissent rouler dans des voitures de luxe, posséder des caravanes énormes alors qu'apparemment ils ne travaillaient pas. Jusqu'à s'interroger sur la façon dont ils tiraient leurs revenus. Mais, il ne faut pas dire trop haut ce que beaucoup pensent trop bas, surtout lorsqu'on est un préfet de la République. Quant aux services des impôts, sur le sujet, motus et bouche cousue ! Il y a déjà tant à faire avec les contribuables ordinaires, corvéables à merci !

Le droit à l’image. Éric de Montgolfier, procureur de Nice, a été entendu en qualité de témoin assisté dans le cadre d'une plainte pour violation du secret de l'instruction. Ce sont quatre jeunes, auteurs de vols à la portière qui ont porté plainte avec constitution de partie civile. Plainte reçue par le doyen des juges d'instruction de l'époque, Jean-Paul Renard. Le procureur avait autorisé en février 2001 la diffusion par plusieurs chaînes télévisées d'images filmées par la police, dans le cadre d'une enquête portant sur des vols à la portière commis avec violence. Or, les auteurs de ces agressions étaient mineurs au moment des faits. Depuis, ils ont été condamnés à des peines de prison ferme. Sur les conseils de qui ces jeunes délinquants ont-ils portés plainte ? Par une âme attentionnée sans doute, très au fait des droits de l'homme et surtout de ceux des délinquants.

Dura lex… Jusqu'à la loi du 25 juin 2001, seul le Garde des Sceaux pouvait saisir le Conseil supérieur de la magistrature contre un magistrat. Depuis cette date, un premier président de la Cour d'appel le peut également. C'est ce qu'a fait celui d'Aix-en-Provence, Bernard Bacou à l'encontre du juge Jean-Paul Renard, qui exerce à Grasse après avoir longtemps été à Nice. Bien que ce dernier affirme de son coté que le rapport de l'Inspection générale des services judiciaires de juin 2003, n'a rien trouvé à redire à sa probité, le juge veut aller jusqu'au fond de l'affaire.

Imprudence. Les inspecteurs de la Chancellerie regrettaient, dans leur rapport sur le fonctionnement de l'institution judiciaire dans le 06, "l'imprudence du juge Jean-Paul Renard qui, en acceptant les invitations à Valberg du fils d'un président du Conseil Général, avait pris le risque de rencontrer le père de celui-ci dans des lieux publics, alors qu'il instruisait une plainte visant ce dernier." Que dire d'un autre haut représentant de la justice qui accepta cet été l'invitation à un spectacle, certes de qualité, mais organisé par un personnage public dont plusieurs dossiers étaient encore en instance ?

La justice suit son cours. Le procureur de Grasse, Raymond Doumas, s'est estimé gravement mis en cause par de récentes déclarations du juge d'instruction Jean-Pierre Murciano. Celui-ci affirmait qu'au tribunal de la dite ville, il n'y a plus (sous-entendu depuis sa mise sur la touche) d'affaires de corruption ou de trafic d'influence. Une sorte de miracle, ironisait-il. Qu'il se rassure et nous avec, "il y a toujours à Grasse, et de plus en plus, d'affaires à connotation économique et financière de blanchiment et de corruption". Dixit le procureur en personne qui en a profité pour rappeler à propos des procédures visant Michel Mouillot, l'ancien maire de Cannes, que l'une d'elle avait débouché sur un non-lieu tandis qu'une autre l'avait condamnée à 10 000 € d'amende. Quant à la troisième, elle vient d'être renvoyée devant le tribunal correctionnel pour corruption et devrait être jugée prochainement.

Les poinçonneurs des Lilas ne font plus de trous depuis longtemps. D'autres s'en chargent. Ce n'est plus à coups de millions € mais de milliards qu'ils creusent les déficits et vont piquer l'argent dans les caisses des actionnaires et des contribuables. Pardonné le trou de la Sécurité sociale creusé à hauteur de 3,4 milliards € en 2002 en raison du dérapage de plus en plus incontrôlable des dépenses de santé, oublié Elf et le pillage systématique de cette grande entreprise publique par ses cadres dirigeants, sous couvert de commissions versées aux chefs d’États africains et de financements politiques’ épongé les comptes de Vivendi Universal… le géant italien de l'agroalimentaire, Parmalat, est en passe de batte le record européen de fraude comptable et de détournement de fonds. On avance le chiffre de 10 milliards €. On est loin de la gestion en bon père de famille des petites et moyennes entreprises d'antan !

À propos de mondialisation, la Banque mondiale estime à plus de 80 milliards de dollars par an l'argent des transactions affectées à la corruption. Une paille !

Présumés justiciables. On appréciera dans une récente interview de Me Bernard Lacombe, bâtonnier sortant du Barreau de Grasse, la constatation que "notre département regroupe plus de un million de justiciables potentiels dont nombre de sociétés, en tant que personnes morales". Les lois étant si complexes et nombreuses qu'il y a toutes les chances, effectivement, qu'un jour ou l'autre, chacun de nous se retrouve devant un juge !

Mea culpa. L'introduction dans le droit français de la procédure anglo-saxonne du plaider coupable ne fait pas l'unanimité. Elle est désapprouvée par de nombreux magistrats et avocats. Cette procédure permettrait à un justiciable reconnaissant les faits duquel on l'accuse d'éviter un procès s'il accepte une sanction proposée par le procureur de la République. Elle aurait comme indéniable avantage de désengorger les tribunaux et de hâter le règlement de nombreuses affaires tout en faisant réaliser de substantielles économies. Mais, très justement aussi, les magistrats font remarquer que cette mesure avantagerait les justifiables capables de s'offrir les services d'un avocat connu. C'est lui qui serait chargé de négocier au mieux la peine proposée et, à priori, avec plus d'efficacité qu'un avocat commis d'office.

Johnny Hallyday. Notre idole nationale a été dispensée de peine (le procureur avait requis 15 000 € d'amende) alors qu'il était coupable d'avoir construit et modifier sans autorisation des bâtiments dans sa résidence des Hauts-de-Seine. Il est vrai que contrairement à Luc Besson, il n'avait pas attendu la date limite pour se mettre en règle. En fait, il lui a suffi de transformer le garage construit en zone inconstructible en pergola et l'autre garage, qui était devenu une chambre d'habitation, en faisant une demande d'autorisation de travaux. Il suffisait de demander !

"Voyage au cœur de la Justice". C'est le nom de cette opération lancée à destination des jeunes générations par le ministère de la Justice. Une classe de quatrième du Lycée Maurice Genevoix de Toulon travaille à reconstituer une affaire judiciaire concernant un mineur comme le ferait un véritable juge. Les collégiens participeront à la reconstitution d'un procès dans une véritable salle d'audience le 3 juin prochain. Cette opération s'appuie sur une démarche originale : guidés par des professionnels, des collégiens, sur l'ensemble du territoire national, traite de cette même affaire.

Fuite. Un avocat parisien a été mis en examen à Grasse dans le cadre d'une affaire de violation présumée du secret de l'instruction, dans laquelle sont déjà poursuivis un policier et un avocat niçois. Il est soupçonné d'avoir laissé filtrer des informations provenant d'un dossier de stupéfiants dont aurait pu alors bénéficier Christian Maistre, figure du banditisme azuréen actuellement en cavale. Sur le sujet délicat de la violation du secret de l'instruction, il faut faire la différence quant aux conséquences qu'elle peut avoir pour les parties. Dans le cas ci-dessus, cette fuite aurait pu profiter à un suspect. Dans de nombreux autres cas, cette fuite organisée en direction des médias oblige parfois la justice à plus de vigilance et de célérité.

Justice et Intérieur. Dans l'affaire ci-dessus, l'avocat en cause avait, dans un premier temps, été placé sous contrôle judiciaire avant que cette décision soit annulée. Quant au policier, mis en cause lui aussi, bien que soutenu par sa hiérarchie, il est toujours suspendu. Deux poids, deux mesures.

Me Jacques Randon. Nouveau et déjà contesté bâtonnier du Conseil de l'Ordre, il le dirigerait avec une main jugée trop ferme par certains des 820 avocats de Nice. À Grasse, c'est Me Bernard Rossamino qui a été élu par ses pairs - ils sont 500 - à la même fonction. Il portera spécialement son attention sur la formation continue, obligatoire d'ailleurs au sein du barreau. Il constate aussi que "nous vivons dans une société où les rapports sociaux sont essentiellement des rapports juridiques". D'où son étonnement du phénomène de paupérisation de sa profession. Les avocats, comme les boulangers, ne sont pas prêts de manquer de pain sur la planche.

Sanction. Le tribunal administratif de Versailles a condamné l'État à indemniser des parents d'élèves d'Evry dont les enfants avaient eu à souffrir de l'absence prolongée de leurs enseignants. Cette décision, en date du 3 novembre dernier, fera-t-elle école ? Les juges avaient estimé que le ministère a pour obligation d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires. Ils ont condamné l'Éducation nationale à verser aux familles entre 150 et 450 €, selon le nombre d'heures de classe manquantes. Si les procédures devaient se généraliser, le budget de l'Éducation nationale risque bien de prendre un coup de chaud. En effet, d'après un récent rapport de l'Inspection générale, faute d'enseignants à leur poste, les collégiens et les lycéens loupent en moyenne trois semaines de cours par an.