Nicolas Sarkozy donne une place à l’opposition :

stratégie ou respect d’un choix démocratique ?

Les deux mon capitaine, serait-t-on tenté de répondre. Voilà en effet un excellent moyen de faire coup double. Il est évident qu’en appelant auprès de lui des personnalités de gauche, Nicolas Sarkozy déstabilise un peu plus ses adversaires politiques. D’autant que cela ne c’était jamais pratiqué dans notre démocratie. En écoutant les déclarations embarrassées et ambiguës des porte-parole de l’opposition, on voit qu’il a fait mouche.

Mais dans la décision du président de la République, il y a très certainement la volonté de donner un statut à l’opposition quelle qu’elle soit. Instituer la proportionnelle donnerait bien sûr la parole à des partis capables de justifier d’un certain nombre de voix aux législatives, en leur assurant quelques sièges à l’Assemblée nationale. Cette présence de l’opposition pourrait être confortée et reconnue dans bien d’autres instances de conseil, de contrôle et de décision. Elle pourrait aussi concerner des groupes de pression, des syndicats, des médias…

Cette volonté de donner un statut à l’opposition est tendance. D’autres démocraties y songent sérieusement et l’Europe n’est pas la dernière qui cherche à « dégager les lignes directrices » qui pourraient lui donner des droits constitutionnels. D’autres travaux attestent de cette persistance. Ainsi ceux menés dans le cadre de la 28e Conférence de l’Union parlementaire africaine, organisée en mars 2005 à Brazzaville (Congo). Ceux-ci préconisaient aux «majorités au pouvoir» sur le continent, de reconnaître les droits et les devoirs de l’opposition.

Toutes ses réflexions prennent le plus souvent le modèle de Westminster comme référence. L’expression consacrée « Opposition de Sa Majesté » a été utilisée pour la première fois en 1826 à la Chambre des Communes. Le modèle anglais a fait école dans l’ensemble des pays du Commonwealth. Ainsi le chef du deuxième parti politique est consulté par le Premier ministre sur les questions d’importance engageant la nation. Cela a permis l’installation quasi officielle d’un Cabinet fantôme prêt à prendre le relais en cas d’alternance ; chaque titulaire d’un portefeuille fantôme étant, en théorie, appelé à prendre la tête du ministère correspondant en cas de succès électoral.

Les régimes anglo-saxons ont depuis longtemps favorisé le bipartisme, ce qui ne répond pas totalement à l’idée de donner la parole et un rôle de plein droit à l’opposition où qu’elle se situe. Les Etats Unis d’Amérique en sont l’exemple parfait. Peu d’espace entre les démocrates et les républicains, peu d’espoir de récolter des fonds pour présenter un candidat sérieux lors des élections majeures… peu d’espoir de participer vraiment aux discussions et encore moins aux décisions.

Favoriser la pluralité politique et donner un véritable pouvoir à ses représentants, au sein de commissions, reste une des pistes essentielles. Elle offre l’immense avantage de rendre plus transparente les choix de la majorité. Elle permet, en amont, un meilleur contrôle et évite bien des conflits et des contentieux.

Dans la plupart de nos démocraties, il suffit d’une très courte majorité pour gouverner. Or comment ne pas tenir compte des 49 % des électeurs qui ont donné leurs voix à l’opposition. C’est une mesure emprunte de sagesse de vouloir donner la parole et du pouvoir à ceux-là… On peut ainsi avoir l’espoir qu’il ne sera moins nécessaire à l’opposition, d’où qu’elle vienne, de descendre dans la rue pour se faire écouter… La paix sociale est peut-être à ce prix !

Au plan local, quelles peuvent en être les retombées ? Verra-t-on davantage de listes d’ouverture pour les élections municipales ? Y aura-t-il davantage de représentants de l’opposition dans la constitution de commissions dans les Conseils généraux et régionaux ?

A Cannes, Bernard Brochand n’avait pas hésité à choisir comme premier adjoint, André Gironne, dont nul n’ignorait ses sympathies pour la gauche…

- mention : www.pariscotedazur.fr - juillet 2007 -