Les festivals de Cannes, pas toujours "politiquement corrects"…

Persépolis fait sa révolution.

- Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, réalisateurs de Persépolis -

Malgré ce que jurent tous les présidents et les secrétaires généraux des festivals passés, présents et à venir, la politique est toujours présente à tous les niveaux de la manifestation. Au sens large, la politique fait partie de la vie dans nos sociétés, pourquoi donc serait-elle ici absente ? Au sens plus terre à terre aussi parce ce que, comme dans la vie courante, nous subissons des pressions, quand ce n'est pas nous qui les faisons subir… aux autres.

La naissance de ce festival est due, faut-il le rappeler, à la rivalité entre l'Italie et la France dans cette période tourmentée de l'entre deux guerres. Il fallait contrebalancer le succès de la Mostra de Venise, symbole d'une Italie fascisante, alliée de l'Allemagne nazie… Cannes était candidate.

Le Festival de Cannes a ensuite ballotté entre l'Est et l'Ouest, la Russie et son "rideau de fer" et "l'impérialisme" américain… Et puis, il a fallu faire de la place – une petite - pour la Chine et les pays émergeants, leur donner une audience et des récompenses. Le jury est seul juge mais, on remarque qu'il suit souvent les messages… subliminaux qui lui sont envoyés. A moins que ce ne soit tout simplement le sens de l'histoire qui s'impose aux uns comme aux autres.

Dernier avatar, la réaction courroucé des ayatollahs iraniens à propos du film d'animation "Persépolis". En compétition, il ose jeter un regard critique sur la Révolution islamique. L'ambassade de France à Téhéran a reçu une lettre de protestation d'un organisme gouvernemental chargé de la promotion du cinéma iranien. Il juge cette sélection malvenue et inamicale alors que tout le monde connaît "les résultats de la glorieuse Révolution islamique"… Imprudence de la part de nos sélectionneurs, habitués à ménager la chèvre et le chou – mais qui est donc la chèvre et qui fait le chou ? Pas encore de menace mais on y est presque. Pour ce qui est de la réalisatrice iranienne, elle n'a aucune certitude de pouvoir retourner dans son pays sans être inquiétée.

Heureusement que par le passé, on a pu visionner à Cannes des œuvres cinématographiques politiquement courageuses et résister à certaines pressions… diplomatiques. Plusieurs furent primées, d'autres non mais l'essentiel était de les montrer.

"Persépolis" a été réalisé par Marjane Satrapi (membre du jury d'un "Certain regard", en 2006) et financé par des producteurs français. Autobiographique, il raconte l'histoire d'une fillette iranienne de huit ans, issue d'une famille aisée, qui vit la Révolution islamique en 1979. Envoyée en Occident à l'âge de 14 ans elle y découvre une autre révolution, celle de l'adolescence…

Courage à l'affiche du film, sélectionné hors concours à la toute dernière minute par le secrétaire-général Thierry Frémaux, "Rébellion". Ce documentaire est autrement plus dérangeant et inquiétant que le dessin animé iranien. Car il s'agit de notre voisin, partenaire et allié, la Russie et de son maître Poutine. Il s'agit de l'affaire Litvinenko. Réalisé par Andreï Nekrassov, un proche de l’ex–agent russe devenu un opposant au régime, assassiné à Londres en novembre 2006 avec une substance radioactive.

Pour l'instant, pas de réaction officielle du Kremlin. Les autorités l'ont-elles visionnées ? Il paraît que c'est «une charge hallucinante» contre les services secrets russes et le régime de Vladimir Poutine .On y voit aussi la journaliste Anna Politkovskaïa, tuée par balles le 7 octobre dernier et le philosophe André Glucksmann, ardent défenseur de la cause tchétchène.

Il y a peu de chance d'ailleurs que les autorités russes manifestent leur mécontentement. Elles ont appris qu'il vaut souvent mieux laisser "pisser le mérinos"… La polémique s'éteindra… faute de combustible. Une leçon que bien de nos politiques n'ont pas encore intégré. Tant mieux pour la démocratie et les vendeurs de papiers…

- mention : www.pariscotedazur.fr - mai 2007 –
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