Le sable de Cannes : autant en emporte la mer !

les plages font sable neuf presque tous les ans.

Les vieux Cannois se rappellent encore d'une Croisette à une seule voie. Les plages, en sommeil l'hiver, se refaisaient une beauté dès que Pâques arrivait.

A partir de l'hôtel Martinez, la bande de sable s'amincissait, jusqu'à disparaître un peu plus loin vers le Palm Beach. Un maire visionnaire s'attacha alors à donner à la ville les moyens de son ambition. Bernard Cornut Gentille, ancien ministre du Général de Gaulle, élu maire en 1959, mit en route un chantier audacieux, celui du dédoublement de la Croisette, complété par un terre-plein central arboré de pins parasol et de palmiers. Un ajout considérable de sable avait été prévu pour que les plages répondent aux aspirations d'une industrie en plein développement, celle du tourisme.


- le dédoublement de la Croisette,  au niveau de la rue des Etats Unis
et de feu l'hôtel du Gonnet de la Reine,  octobre 1962 -

Quelques études avaient été réalisées mais il n'y avait aucune certitude quant à la pérennisation du sable sur les plages. C'est ainsi qu'une partie du sable est repris chaque année par la mer et que, périodiquement, il faut faire des apports. Ainsi la ville a prévu cette année de récupérer sous l'eau, par pompage, 40 000 m3 de sable. Prix de l'opération : 500 000 €. Un projet d'installer une digue sous-marine prend aussi forme. Il permettrait de stabiliser le sable et d'éviter qu'il soit trop vite repris par la mer. Dans ce cas non plus, il n'y a aucune assurance de succès. Cette solution permettrait-elle de réaliser des économies ? Les conséquences sur l'écosystème sous-marin seront-elles bien maîtrisées ? Ces questions mériteraient réponses.

Les plages naturelles, revues et corrigées par Bernard Cornut Gentille, sont toujours là, mais la surface destinée à la pratique du bronzage n'a pas augmenté. Elle a plutôt diminué. La part réservée à la restauration est passée au fil des ans, de la salade niçoise/cannoise, à la restauration classique, voire dans certains lieux, gastronomique. Quand on se souvient qu'à la fin des années 50, il était interdit de servir sur les plages autre chose que des sandwichs, des assiettes de charcuterie et des salades. La plage était alors dédiée aux parasols, aux transats et aux matelas. La mer était aux baigneurs et il me semble qu'il y en avait plus qu'à l'heure actuelle. Revenons à cette plage, où l'extension des surfaces destinées à la restauration et aux congrès, a eu comme résultat de diminuer singulièrement la place laissée aux amateurs de soleil. Il n'est pas sûr que cette évolution eut l'agrément de son concepteur.

Certains se plaisent à parodier l'histoire du client à qui le restaurateur demandait comment il avait trouvé le steak, et à qui celui-ci répondait : sous la feuille de salade ! Comment avez-vous trouvé les plages à Cannes ? En creusant sous le plancher des restaurants !


- apport considérable de sable, en face de l'hôtel Martinez,
photos A. Fernandez, 1962 -

Si des progrès ont été faits par la plupart des restaurateurs concernant le traitement des odeurs provenant des cuisines, celles-ci chatouillent encore trop souvent les narines des promeneurs. Il est parfois difficile d'échapper aux parfums lancinant de la soupe de poissons et de l'huile de friture plus très fraîche… On a alors envie de dire : peut mieux faire !

La réalisation de ce grand projet de Bernard Cornut Gentille ne se fit pas sans mal et sans grincements de dents. Devait suivre la couverture de la ligne de chemin de fer qui se fît en deux temps. D'abord, à partir du pont Carnot, vers l'est de la ville, puis ce fut le percement à travers le quartier du Suquet, vers l'ouest. 


Cet homme là n'avait pas peur de bâtir sur du sable. C'est pour cela qu'il peut être considérer comme le plus grand maire de Cannes !