La gifle de Michael Moore

à Bush.

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On attendait un prix pour Fahrenheit 9/11 mais pas la Palme d’or. La “standing ovation” de 20 minutes qui avait salué la projection du film dans la grande salle du Palais des festivals, donnait certes la température du public et du président du jury. Mais pouvait-on décemment attribuer cette ultime récompense à un habile montage de séquences de documentaires et à un exposé si politiquement incorrect ? Etait-ce même du Cinéma ? Le jury a pris la liberté d’y répondre. C’est son privilège. Il a, de fait, choisi son camp, celui des anti-Bush, des anti-républicains, des anti-faucons de Washington. Michael Moore a voulu montrer au monde qu’il existait une autre Amérique, plus généreuse, plus pacifique sachant qu’il en fallut de peu qu’elle soit majoritaire (le scandale du comptage des voix en Floride aurait pu inverser les résultats).



  • Moore. Michael et pas à demi. Pour tous les latins il a fait la Moore. Pour les Anglais, c’est plutôt moins que Moore. Quant aux républicains américains, c’est carrément no Moore. En tous les cas, il a raflé la mise et le gros lot. photo Getty ( Michael et la Palme d'Or signée Chopard ).

Ce choix audacieux aurait-il pu se faire si quatre des neufs jurés dont le président, n’avaient pas été américains ? Imaginons que le jury eut été en majorité français par exemple. Cette gifle aurait-elle pu être délivrée si l’industrie cinématographique américaine n’était pas aux mains de démocrates convaincus ?

Quid des réactions de l’autre Amérique, actuellement au pouvoir ? Elles sont tièdes pour la plupart et l’administration fait le dos rond, faisant comme si le soufflé allait se dégonfler tout seul. Le film faillit ne pas pouvoir être montré dans son propre pays. Les studios Disney, principaux partenaires, rendus frileux par le contenu même du film (ils devaient bien se douter pourtant que MM ne ferait pas dans la dentelle), confièrent le gros bébé à une de leurs filiales, Miramax. C’était oublier les liens privilégiés qui la liait, pieds et mains semble-t-il, avec le gouverneur Bush, frère du président. Celui-ci a la bonne habitude d’accorder des millions de dollars d'abattements fiscaux aux studios Disney qui possèdent en Floride des parcs à thèmes et de nombreux hôtels. Bien embêté par cet encombrant héritage, Bob et Harvey Weinstein, les patrons de Miramax ont acheté à titre personnel tous les droits du film. Avec le secret espoir que le film fera aussi bien que Bowling for Columbine qui rapporta 22 millions de dollars. Et cela malgré le fait que MM est le troisième sur la liste des personnes les plus détestées en Amérique.

En tous les cas, c’est bien la première fois – dites-moi si je me trompe – qu’une Palme d’or est si subversive. La première fois qu’un film, simple succession de bouts de séquences d’actualités, peut contribuer, si faiblement soit-il, à la non-réélection d’un président des Etats-Unis d’Amérique. C’est ça le Cinéma, c’est ça le Festival de Cannes, toujours critiqué et cette fois plus encore, imprédictible !

Quant à la réalité, il est dit qu’elle dépasse toujours la fiction et justement “Fahrenheit 9/11” n’est pas une œuvre de fiction.