L’homicide routier, une coquille vide ?

Catégorie Pieds dans le plat

Vincent Julé Parade, avocat spécialisé en matière de sécurité routière, analyse l’une des annonces faite par la Première ministre concernant la création de l’homicide routier.


- carambolage, Sydney...


«  Cette nouvelle qualification de l’infraction homicide involontaire aggravé a été et demeure largement sollicité par les associations de victimes de la route et leur famille. L’un des enjeux de cette nouvelle qualification est de contourner le terme d’involontaire très souvent difficilement compréhensible par les victimes et leurs familles. Mais derrière cette revendication se cache principalement un profond malaise entre les familles de victimes et le système judiciaire qui semble ne pas les prendre en considération. 

J’avoue, bien qu’étant avocat de victimes de la route et ancien militant de la lutte contre l’insécurité routière, demeuré quelque peu perplexe quant à cette création. À mon sens, par l’annonce de cette qualification, le gouvernement et particulièrement le ministre de L’Intérieur a souhaité réagir face à l’émotion suscitée par l’affaire Palmade. Mais à la vérité, peut-on réellement croire que cette création aura une vertu préventive ?

J’ose en douter. En effet, sauf surprise, la peine maximale encourue en cas d’homicide routier ne pourra excéder 10 ans, soit le même quantum que celui actuellement encouru en cas d’homicide involontaire aggravé par deux circonstances aggravantes, mais jamais prononcées…

À tout le plus peut-on espérer que cette qualification incite les tribunaux à prononcer des peines plus lourdes, ce dont je doute là encore. Ainsi, derrière ce changement sémantique, seul le souci de ménager les familles de victimes trouverait une justification. En encore, l’on reconnaîtrait un homicide routier en cas de décès et demeurerions tenus par la qualification de blessures involontaires aggravée si là victimes venait à demeurer lourdement handicapée. Pourtant, à l’origine, un même comportement, une même prise de risques, une même inconséquence. Enfin, par le terme d’homicide routier, c’est aussi la question du caractère involontaire de l’infraction qui semble être remise en cause. 

Pourtant, le juriste connaît lui la différence fondamentale entre infractions volontaires et involontaires fondée sur la recherche d’un résultat précis. Or, la seule mise prise de risque, si volontaire soit elle, si délibérée soit-elle, ne peut constituer en tant que telle une recherche volontaire d’un résultat. 

Ainsi, je crains que dernière la création de ce délit d’homicide routier ne se cache qu’une mesure cosmétique cachant l’absence de vision réelle d’un gouvernement qui, jusqu’à l’affaire Palmade et au drame de Roubaix, n’a jamais semblé avoir le moindre intérêt pour la sécurité routière. De plus, c’est ignorer les véritables raisons de la défiance des victimes de la route à l’égard de la Justice, qui, à bout de souffle, les rend victimes une seconde fois. Aux délais interminables, à l’absence d’information de la victime, à l’absence de moyens donnés aux magistrats et aux greffiers, l’homicide routier ne pourra rien. »

Me Vincent Julé-Parade