« Chez nous en Algérie, la méditerranée était

au nord ! »

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textes par

Joselyne Mas égraine ses souvenirs... Nostalgie quand tu nous tiens !



Alger ma ville oubliée 

Souvent, le soir avec mes parents, leurs amis, mon frère, nous descendions jusqu’à la Pêcherie par le Boulevard du Front de Mer, ses beaux immeubles faisaient notre fierté, l’hôtel Aletti, le plus beau de la ville. Au bout de la vieille Darse des Corsaires s’élève l’ancien palais de l’Amirauté, agrandi et rénové, avec ses grandes arcades. Les constructions turques de la jetée Kleir-Eddine, la tour du phare, sur l’ancien pênon espagnol, domine l’ensemble. Nous nous arrêtions pour déguster des petits poissons grillés, toutes sortes de kémia : olives, fèves au kemoun, tramousses, variantes, glibettes... tout en savourant l’anisette, subtile et incontournable breuvage, ou le rosé bien frais de la Trappe. L’ambiance était chaleureuse, le rire partout. Le soir tombe sur la ville, les oiseaux se taisent. On pouvait rester des heures à admirer les splendides couchers de soleil sur la mer. Le soleil en disparaissant teintait le ciel d’une couleur jaune orangé, puis les zébrures rouges apparaissaient et le ciel peu à peu se teintait de violet. La mer se voilait d’or scintillant.

D’autres soirs en partant de chez nous, rue Sadi-Carnot, on se dirigeait vers le Foyer Civique et son grand bassin, puis le Champ de Manœuvres, pour aller se régaler chez Grosoli. Leurs glaces et agua-limon sont les meilleures de la ville. Et on restait tard le soir sous les platanes, le ciel, velours sombre criblé d’étoiles, des senteurs venues de nulle part…

À propos de senteur, je me souviens qu’à Baraki chez mes grands-parents, il y avait une tonnelle de glycine magnifique et les soirs de printemps quand la glycine croule sous ses grosses grappes de fleurs, d’un violet pâle et suranné, j’y retrouvais mon grand-père assis sur son banc de bois, je le distinguais à la lueur rouge de sa cigarette, une Bastos brune. Il avait toujours son paquet bleu dans ses poches. Je m’asseyais à côté de lui, blottie, la tête sur son épaule, et il me racontait sa vie, ses rêves, ses arbres, son amour pour sa terre, sa maison, son jardin.

Quand il avait des soucis, il partait seul, parmi ses arbres, touchant leurs troncs, les caressant, leur parlant, leur racontant ses peines, ses joies, regardant filtrer les lumières des saisons à travers leurs feuillages. Il revenait plus serein. Ma grand-mère finissait la vaisselle et venait nous rejoindre avec dans les grandes poches de son tablier, des morceaux de pâte de coings qu’elle faisait comme personne. Un vrai régal.

Que ne donnerais-je pas pour retrouver ces instants de quiétude où rien ne peut vous faire de mal, à l’abri, protégée par l’amour de mes grands parents.

Merci Mon Dieu pour ces bons souvenirs !