Benoit Dorémus écrit juste et chante « de la main gauche » !

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Catégorie Les Arts au soleil

Le chanteur-compositeur est encore sur la route avec son nouvel album : 2020.

Et si Eminem rencontrait Alain Souchon ? Cette rencontre fortuite totalement surnaturelle, Benoit Dorémus l’a longtemps fantasmée dans sa petite chambre d’étudiant en Arts du Spectacle. Il avait pourtant tenté cette fusion impossible en 2007 avec son premier album « Jeunesse se passe ». Son single « J’écris faux, je chante de la main gauche », clip bricolé et poétique, avait déjà attiré le regard d’artistes français comme Renan Luce dont il assure aujourd’hui la première partie. L’artiste populaire a-t-il influencé le chanteur en herbe qu’est Benoît Dorémus ?

Son nouvel album « 2020 » est profondément ancré dans la variété française. L’album au titre futuriste s’enracine pourtant terriblement dans l’air du temps. Dès le départ, l’interprète fait les comptes et tire des conclusions, un bilan mais un « Bilan Carbone ». Malgré les accords simplistes de guitares et les jeux de mots commodes, la présentation décalée de la cause et la protection verte met bien en exergue la culpabilité imposée par les institutions officielles. Le clip de ce single vient accentuer l’ironie et l’humour de la chanson. La critique déplacée continue avec « Comment vont les autres ? ». L’énumération délirante de maladies bénignes ou cocasses inciterait les plus hypocondriaques à trembler. Mais l’intrusion de théorèmes mathématiques, religieux ou politiques calme l’angoisse et amène l’auditeur au-delà de la contestation médicale.

Après toute cette bille douce déversée, une chanson d’amour est la bienvenue. Le chanteur joue avec les contraires, comme il aime, dans la berceuse « Tu dors à contre-jour ». Natif de Besançon mais enfant dans le Vaucluse, Benoit Dorémus est « monté à Paris » comme un bon provincial, pour ses études. Marqué par cette expérience, il en sort « Paris » sans trop de clichés mais avec un amour aigre pour la capitale dans un verbe digne d’un Titi régional ! Quittant pour un temps le registre pathétique, « T’as la loose » tombe à pic pour retrouver le cocasse qui lui va si bien. Même si l’auteur voit son nouvel album comme beaucoup moins autobiographique que le précédent opus, certains détails ne trompent pas. De passage à Marseille en avant-scène de Renan Luce, Benoît Dorémus, fanfaronnant avec l’équipe en scène, finit les 4 fers en l’air pendant cette chanson. Un signe réel du destin ! L’artiste soucieux du futur de son art prend le pas sur le charlot. « De l’autre côte de l’ordi », véritable prise à parti ironique des pirates d’Internet, émerge admirablement alors que la polémique Hadopi fait encore rage. Entre références littéraires obsolètes et appâts commerciaux, l’artiste finit le morceau sur la phrase à méditer « un disque au final, c’est une arme dans un objet. » Le morceau qu’il a coécrit avec Renan Luce « Je sors avec une étudiante » résonne alors de façon déconcertante. La collaboration entre les 2 artistes gomme le côté brut de Benoît Dorémus et donne à la chanson de la légèreté mais aussi la structure d’une narration qui est commune chez l’artisan Renan Luce. Cette mise en scène continue avec « Deux pieds dedans » et « Depuis hier » où la voix de l’interprète se mêle à celle d’un adolescent fugueur rêvant de Rimbaud et à celle de sa mère terrifiée. L’écriture de l’auteur- compositeur continue par petites touches, comme dans la « Charade » de Jeanne Cherhal, dans « Calumet » et « Chose rare » évoquant la volupté fumante et la chose sensuelle. Enfin, « Ne pas lire avant 2020 » apparaît comme une notice pour la génération à venir. Un constat, un bilan ? La boucle est bouclée !

Benoit Dorémus a en lui la gouaille et la révolte vocale et écrite de Renaud, mêlées aux chansons pop de Renan Luce. Le mélange est-il appréciable ? L’album 2020 efface les indignations au premier degré pour laisser place aux appréciations plus caustiques et risibles. L’auteur est à surveiller, l’interprète est à suivre comme ce soir à Adge ou en octobre au Café de la Danse parisien.