La Fête du Cinéma sera-t-elle à l’heure du Festival de Cannes ?

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Les marches rouges feront-elles bon ménage avec les places à bas prix ?

Isabelle Huppert étreint frénétiquement son ancien réalisateur, Michael Haneke, devant la palme d’or et son « Ruban blanc ». L’image a fait le tour du monde, preuve photographiée que le palmarès cannois est toujours marqué par l’empreinte indélébile de la présidence du Festival. Pourtant le film ne se résume pas à 4 prix et des paillettes mais à 28 films.

Loin du strass mais toujours dans les salles obscures, la Fête du Cinéma fête son 25ème anniversaire et met à l’honneur les films sortis depuis Mai dont certains sélectionnés à Cannes. En ces temps de croissance faible, la place de cinéma à 3 €, jusqu’au 3 Juillet, peut, qui sait, relancer le pouvoir d’achat des ménages… L’occasion en tout cas de découvrir les prix palmés tels qu’ « Antichrist » de Lars von Trier qui a déjà fait couler tant d’encre mais aussi les films passés plus inaperçus… dans le palmarès final.

C’est le cas du film de Marina De Van « Ne te retourne pas » avec le duo si attendu Monica Belluci – Sophie Marceau. La réunion des deux actrices peut sembler seulement « bankable ». Comment filmer une femme, Jeanne, perdue sur son passé, ses origines et son identité, sans tomber dans l’hystérie terrifiante ? Marina De Van réussit cette prouesse en filmant de façon subjective la mutation psychique et mentale de son héroïne en proie aux doutes et à la paranoïa. Si le scénario prépare bien des surprises aux spectateurs, ceux-ci seront, sans doute moins sensibles aux dialogues. Le rythme assez pesant, pouvant même plonger le spectateur dans un état soporifique rare, et vous obtiendrez un film avec deux têtes d’affiche féminines, plus proche d’un casse tête franco-italien plutôt que d’une introspection fragile.

- les Beaux gosses, un titre de film imprésentable au Québec où les gosses sont des attributs… masculins -

Tous les films français ne se valent pas, les « Beaux gosses » présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs en est la preuve. Le film flirte sur le phénomène LOL (laughing out loud) et osant même contre attaquer le « blockbuster » français. Hervé et Camel, deux jeunes collégiens traumatisés par leur entrejambe, comptent bien trouver la réponse à l’intemporelle question : comment réussir à avoir une copine ? Loin d’être une ode au mal-être adolescent, le film n’oublie pas de dépeindre, avec légèreté, les parents soixante-huitards dépassés, sans jamais tomber dans le cliché. Le réalisateur, Riad Sattouf, familiarisé aux bandes dessinés et ses codes, introduit même une nouveauté dans la sélection parallèle : l’humour car il est nécessaire d’un certain second degré pour faire de ces loosers précoces des personnages attachants !

Vous ne verrez certainement plus les chaussettes ni les bananes de la même manière après ce french « teen-movie », moins fleur bleu que LOL et moins didactique qu’ « Entre les murs », en un mot : moderne.

Face à ces films français, des réalisateurs internationaux ont été aussi oubliés du jury cannois. C’est le cas des deux habitués du Festival : Pedro Almodovar et Ken Loach.

L’an 2009, fut encore une année sans palme pour le réalisateur espagnol qui était pourtant plein d’espoir lors de la présentation des « Etreintes brisées. » Le film sonne très juste tant sur le fond que sur l’interprétation magistrale de Pénélope Cruz. L’actrice devient sur grand écran l’incarnation même de la muse almodovarienne et essaie même de flirter avec le mythe lors de ses transformations en … Marylin Monrœ ! Le film bénéficie aussi d’un suspense mélodramatique rare : mais qui est donc ce Diego que veut tant fuir le scénariste « Harry Caine » ? Le retour en arrière pour l’ancien réalisateur nous permettra même de pénétrer dans les coulisses féeriques et sublimées du cinéma. Celui d’Almodovar est certes esthétique et précieusement mélancolique mais entre l’histoire d’amour, la quête d’un passé oublié et le travail sur le deuil, le réalisateur refuse de choisir, conduisant parfois le spectateur dans un éparpillement non nécessaire.

L’autre réalisateur étranger, Ken Loach (palme d’or en 2006), rentré aussi bredouille des marches avait pourtant misé grand. Avec « Looking for Eric », il présentait un des rares films drôles de la compétition officielle. Enfin un humour inattendu puisque le film débute sur Eric, un homme au bord de la crise de nerfs prêt à tout pour s’échapper mentalement de son quotidien maussade. Encore attaché à l’arrière plan social de ses personnages, le réalisateur que l’on connaissait historien irlandais patriote devient britannique adepte de l’humour anglais et fan de la religion numéro un en Angleterre : le Football. Il en fallait du culot pour oser faire jouer à Eric Cantona son propre rôle de footballeur grande gueule ! Ken Loach ose et réussit à présenter un tête à tête irrésistible entre l’acteur sportif français et le comédien… anglais. Le filon policier qu’expérimente le réalisateur marche certes mais donne souvent lieu à une intrigue un peu trop commandée.


- Radio Rock -

Le film de la Fête du Cinéma sera-t-il Hors Festival mais aussi britannique ? Après « Love Actually », le réalisateur Richard Curtis, nous initie à une autre passion et réussite britannique : le Rock’n Roll. « Radio Rock », radio pirate ancré en mer du nord, doit écumer les interdictions gouvernementales pour diffuser sa musique. Amené par une galerie de personnages et d’acteurs à contre courant comme Emma Thompson, Philip Seymour Hoffman, Kenneth Branaght loin de son rôle d’Hamlet Shakespearien, l’histoire appuyée sur un fait divers nous fait regretter effervescence des années 60 et sa lutte pour « l’interdiction d’interdire ». Entre les Kinks, les Beach Boys et Cat Stevens de la bande originale, résonnent les aventures rocambolesques de cette bande de contestataires obsédés, amoureux du Rock ‘n Roll. Le credo de l’époque était : Sex, anti-etablishment and Rock’n Roll !

On peut, un instant, regretter la lutte pour la passion musicale d’antan : le vieux pétrolier britannique diffusait la musique interdite et avant-gardiste sur les ondes ; la radio rock française par excellence, « le Mouv’ », préfère aujourd’hui, squatter, le temps du Festival, la piscine luxueuse de l’hôtel Martinez !

Après tout, Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones, a bien vendu son âme à la publicité pour poser à côté d’un sac Vuitton !