Littérature : quand les journalistes prennent la plume !

Crédits:
textes par
Catégorie Les Arts au soleil

Un journaliste peut cacher un écrivain frustré… ou comblé !

FOG, PPDA… les exemples ne manquent pas. Les stars de l’information ne peuvent plus se contenter de maigres entre - filets ! Désormais, c’est pour un autre format, plus grand et long que les journalistes font des infidélités textuelles : le livre ! Voulant imiter les anciens et espérant leurs prix Interallié ou Renaudot, les nouveaux écrivains de brèves s’essaient, en s’éloignant passagèrement du « Monde » ou de « Paris Match », à l’exercice littéraire.

Journalistes de renom dans leur domaine, Patrick Eudeline, Audrey Diwan et Angie David osent, eux aussi, leur coup d’essai … littéraire !

Véritable encyclopédie vivante de la culture punk, Patrick Eudeline sévit avec autant de ténacité dans le domaine littéraire que dans le magazine musical « Rock ‘n Folk », sous la houlette du médiatisé Philippe Manœuvre. Après « L’aventure punk » et le roman « Ce siècle aura ta peau », le journaliste nous amène « Rue des Martyrs » avec nostalgie et désir de gloire.

Chouraqui ne s’attendait pas à avoir un coup de fil de Jérôme, après tellement d’années d’absence ! Le sexagénaire est alors replongé dans le temps de ses 20 ans, un voyage nostalgique dans un passé musical méconnu. Car si on connaît les succès américains des années 60, on a moins en mémoire les bides, évidemment, français !

Jérôme, en 1966, alors âgé de 17 ans, véritable bébé rocker n’a qu’un rêve en tête : devenir numéro 1 des hits parade comme les Troggs. Le rock à l’anglaise a-t-il de l’avenir à l’époque des « Yéyés » ? Il désenchantera vite car la génération « Salut les copains » et sa musique s’avère être une réelle industrie sans préoccupation particulièrement musicale. Plus qu’une lamentation nombriliste d’un intermittent au chômage, le roman est une réelle plongée dans une époque à tout jamais révolue ! À travers l’itinéraire d’un garçon au destin, on le sait depuis le début, raté, on croise Bashung, Clo Clo ou encore Antoine. Chanteur démodé, Jérôme apprend vite, à ses dépends que l’utopie musicale sera faite de rêve, galère et rock ‘n roll ! Obligé de se plier à la mode et à la « variété », l’artiste, négligeant ses amis, finira comme un « chanteur oublié que l’on n’écoute plus. » Une fresque maussade, tout en finesse !

Audrey Diwan a, elle aussi, abandonné, un temps, les billets et les pages culture de « Glamour ». Après « La fabrique d’un mensonge » dans l’arrière boutique d’un magasin de mariage, la journaliste nous invite « De l’autre côté de l’été » dans la solitude d’une femme mûre.

Eugénie, la soixantaine, ne se remet pas de sa séparation conjugale. La solitude prend du surpoids car la femme n’est pas à la fleur de l’âge. S’ennuyant profondément, cette femme au bord de la crise de nerfs décide sur un coup de tête de changer de vie et de s’acheter une compagnie. Là où de vieilles femmes fortunées auraient fait l’acquisition d’un minuscule chien à gâter, la jeune sexagénaire s’offre la présence d’un jeune garçon. Cette histoire peut sembler un peu familière aux cinéphiles français qui ne pourront que rapprocher cette intrigue avec le dernier film de Josiane Balasko « Cliente. »

Le parallélisme s’arrête là si on confronte le rôle que tient Nathalie Baye avec le personnage principal du roman. Ce qui a été longtemps tabou au cinéma, Josiane Balasko a dû attendre des années avant d’avoir l’aval d’un producteur, est plus facile en littérature. Cependant face à la femme forte au profond désir sexuel incarnée par l’actrice française, l’héroïne de papier lutte pour oublier sa solitude future et s’auto-psychanalyserait bien si elle ne se sentait pas aussi perdue.

Un étranger dans sa vie peut-il permettre cette réflexion ? Très vite les langues de l’entourage se délient face à ce couple si singulier qui essaie de se comprendre sans se cerner. Une espèce d’histoire d’amour presque sans relation sexuelle ! Reconstruire sa vie sur du neuf pour surpasser la femme qu’elle était peut rendre l’ancienne, fade et méconnue. Mais construire sa vie n’a rien à voir avec cette réforme ! Les anciens et leurs cadets ont des problèmes qui souvent divergent. Ce choc générationnel aura-t-il raison de cette analyse silencieuse et romancée ? Le futur séparera-t-il ceux qui ont leur vie à faire et ceux qui ont la vie qui reste ? Le billet d’humeur, la tranche de vie qu’a choisi la journaliste ne se révèle pas si superficielle que cela ! Bien au contraire, de quoi tromper les apparences !

Si ces deux journalistes ont réussi leurs récidives littéraires, on attend beaucoup du premier roman d’Angie David. La sévère critique littéraire du « Magazine Littéraire » a versé beaucoup d’encre et de venin contre tant de livres que son premier opus, « Marilou sous la neige », appelle un jugement acerbe. Et pourtant, le roman surprend et captive ! Présenté comme le premier ouvrage d’une ex-cocaïno-woman, il met en scène Marilou dans un roman d’apprentissage dans le milieu littéraire parisien. En abordant ce sujet lourdement autobiographique, la jeune critique prend le risque de jouer avec l’auto fiction qu’affectionne tant son ami, si présent dans le roman, Frédéric Beigbeder.

Et cela déroute très vite le lecteur : où est donc le vrai et le faux dans cette relation à 3 qu’elle entretient avec son éditeur et sa femme ? Mais après tout, ne pas combler l’attente du lecteur n’est-elle pas là, la littérature ? Cependant, on ne s’attend pas à gloire et sourires de la part d’une fille sortie d’une chanson de Gainsbourg ! L’apprentissage chez les éditeurs parisiens devient, évidemment, très vite, descente en enfer ! Il faut dire que l’héroïne est fortement ambitieuse ! Voici d’ailleurs un adjectif qui s’applique à la perfection à l’ouvrage. Multipliant citations et références culturelles idéales et fascinée par les films et les livres qu’elle cite, l’héroïne en devient paralysée dans la vie. Ceci est aussi valable pour le style. La déformation de journaliste doit y être pour quelque chose car les exemples demeurent admirablement pédagogiques et visuelles, sans doute un peu trop. Raconter en détails et en entier les récits, ennuyeusement longs et, dans l’ensemble, connus de tous, ne fait que ralentir le récit ! D’un auteur qui doit son prénom aux Rolling Stones, il est assez logique que la fascination culturelle soit aussi présente ou bien cela n’est-il que le résultat de l’apprentissage d’une jeune fille qui en sait trop ?

Si ce premier roman, certes prometteur, est dans l’assemble inégal, il résume à la perfection mais de façon assez caricaturale, le trouble du journaliste lorsqu’il se métamorphose en écrivain : comment transformer ses apprentissages culturels professionnels en héritage littéraire ? Sans doute n’y a-t-il pas de recette miracle !

Solène Lanza